APPROCHE SENSIBLE

Comment reproduire la réalité quotidienne en dépassant l’anecdote, le banal, l’amusement, et le divertissement, pour exprimer une intention poétique ? Comment avoir une approche sensible des réalités qui nous entourent ? La pratique artistique s’impose comme besoin de réflexion, moteur qui conduit à l’imaginaire, à la rêverie, à la transcendance. C’est pourquoi l’art accompagne les hommes depuis la Préhistoire.

ART

Le mot « art » a les caractéristiques, mi-descriptives, mi-normatives, et qui ne sont ni l’une ni l’autre, « un de ces détestables mots qui ont plus de valeur que de sens, qui chantent plus qu’ils ne parlent » : Paul Valéry.

ART DE LA RÉTENTION

La sculpture est un exercice difficile, qu’elle ne peut se contenter de pratiques schématiques, de généralités, de clichés. La sculpture est un art de la rétention : on se retient devant une belle pièce de bois avant de la transformer par l’outil. Par quel coté faut-il amorcer le travail, quels seront les gestes spontanés permettant de trouver le profil exact, comment mettre en relief les secrets indicibles de la vie, comment exprimer la beauté du moment ? Le soin apporté par le sculpteur au poli, à la rugosité, à la patine, le choix qu’il fait de tel bloc plutôt que de tel autre, sont autant de preuves de recherche approfondies.  

ART MODERNE

L’art moderne précède l’art contemporain, sa période s’étale autour de 1900 à 1945. Il comprend les mouvements cubistes, surréalistes, art brut, impressionnistes... L’art moderne a ouvert la voie à l’art contemporain en commençant à transgresser toutes les règles de la représentation. Là où l’art moderne bouscule, se libère de tous les codes classiques de la représentation du réel, les œuvres contemporaines interrogent surtout leur époque en cherchant la réaction, le questionnement, voire la provocation.

ART MUET

L’art est une ascèse, mais peut être aussi un cri. Et parfois au-delà du cri, c’est l’essence d’un art muet où le créateur brasse l'espace comme un nageur. Il l'affronte, le rythme, le travaille pour obtenir une réalisation qui est une partie de lui-même et qui a du sens.

ART POPULAIRE

Le pop’art, dont Warhol est un des représentants les plus connus, déferle des États-Unis dans les années 1960. En rompant avec l’expressionnisme abstrait, cet art populaire très concret, vise une représentation immédiate de la réalité sociale avec ses objets de consommation et ses icônes de vedettes du cinéma. Dans la série des portraits, on peut y voir un jeu de couleurs vives, ou un miroir ironique de l’aliénation médiatique, ou encore un pur produit de la société de consommation. 

ARTISANAT D’ART

À travers les discours des représentants des métiers d’art, l’artisanat d’art se présente aujourd’hui comme un secteur à part entière dans lequel la distinction entre art et artisanat semble être de plus en plus ténue. Malgré cela, la distinction est pourtant encore bien présente : l’art fait référence à la créativité et l’originalité tandis que l’artisanat, fait référence à l’habileté et parfois la virtuosité. L’artisanat d’art est plus raffiné, plus travaillé, avec souvent une thématique graphique mais sans questionnement artistique. C’est bien toute la différence du questionnement artistique !

ARTS PLASTIQUES & APPLIQUÉS

La pratique des arts demande d’avoir de l’inspiration pour produire des œuvres uniques, élaborées de façon libre, au préalable sans démarche commerciale. 

Peintures, sculptures, œuvres plastiques uniques. A moins d’être déjà connu et de compter autour de lui les intermédiaires adaptés, le créateur devra trouver lui-même les lieux et les conditions de diffusion de son travail.

Arts appliqués : tout part de la commande. Les arts appliqués évoquent une pratique artistique, appliquée à des métiers ou des secteurs d’activité particuliers. Et les concepts ainsi créés sont voués à une commercialisation, qu’il s’agisse d’une illustration publicitaire, d’un film ou d’un design automobile. La créativité est encadrée en fonction du projet. Ils s’appliquent des secteurs comme l’espace, les produits de consommation, le textile, la communication. Le créateur doit allier esthétisme et respect du cahier des charges. Le message délivré doit être lisible et efficace auprès du public ciblé. La créativité est donc plus ou moins orientée et encadrée tout en laissant l’inspiration artistique s’exprimer.

AURA

Walter Benjamin : « l’aura » engendre une distance, où se construit quelque chose entre le tableau et son regardeur. L’aura est « l’unique apparition d’un lointain, si proche soit-il ». Cette distance permet de découvrir au regardeur, un nouvel horizon, inconnu auparavant.

AUTHENTICITÉ

Plus aucun secteur n’échappe à la recherche de l’authentique, du sens, du vrai, de la transparence, du naturel, de la fidélité à soi-même. Nous vivons la phase de parachèvement artistique de la culture d’authenticité.

Le droit d’être soi s’est affirmé, depuis les années 1970, comme une idée-force majeure, un puissant transformateur anthropologique. Il a bouleversé le rapport des individus à eux-mêmes, au genre et à l’art. Il a remodelé la façon d’être soi et de vivre en société, façonné une nouvelle condition subjective. Il a contribué à l’avènement d’un état contradictoire : la démocratique-individualiste.

Faire de l’art est-ce une attitude nombriliste ? Si on prend suffisamment de distance avec soi, « l’auto-contemplation » est nécessaire pour y observer les qualités et les défauts de son travail.

L’art nous prédispose au sensible, à une vision pour ce qui passe inaperçu, qui reste inaudible, qui demande à être vu. Il faut saisir à chaque instant, la mobilité, la décomposition et l’instabilité de l’espace. Pour être authentique, un artiste doit plonger loin dans ses racines. Un artiste serait un enfant qui aurait continué à construire une œuvre, porté par une « vertu d’innocence » ?

Une œuvre authentiquement belle est exigeante, subtile, réclamant le meilleur du spectateur pour l’apprécier. Une œuvre n’est authentique que si elle élève et éveille, si elle exclut toute complaisance toute « séduction commerciale ».

BEAU

Le beau est une tension sensible. La réconciliation de cette tension s’apaise dans un mouvement intérieur. Le beau suscite alors une détente, un sentiment de paix, une unité, un équilibre qui accompagnent la jouissance esthétique.

Les thèmes éternels et universels de l’art ont rapport aux conditions les plus générales de l’existence humaine : la vie et la mort, la liberté et la finitude, l’amour et la peine, etc. La beauté naturelle est sans doute la plus susceptible de manifester l’universalité de notre condition, justement en raison de sa neutralité culturelle. On appelle « beau », sur le plan esthétique comme sur le plan éthique, une « belle action », un « beau geste ». Tout ce qui manifeste une valeur éminente, ou est porteur d’un certain idéal. C’est ce qui interpelle nos aspirations essentielles. Il ne s’agit pas de chercher ce qui est beau en général, mais de savoir ce qui est beau en soi. 

BEAU

La beauté dans sa forme la plus haute, que l’on peut aussi bien nommer sublimité, nous saisit face à l’immense nature, qui nous écrase et nous élève, que l’on embrasse de notre regard, que l’on contient, et qui nous contient pourtant. Ce paradoxe de puissance et d’impuissance, de liberté et de finitude, définit selon nous la forme la plus pure du sentiment du beau, parce qu’il manifeste au plus haut point, la vérité de l’existence humaine. Les thèmes éternels et universels de l’art ont rapport aux conditions les plus générales de l’existence humaine : la vie et la mort, la liberté et la finitude, l’amour et la peine, etc. La beauté naturelle est sans doute la plus susceptible de manifester l’universalité de notre condition, justement en raison de sa neutralité culturelle. On appelle « beau », sur le plan esthétique comme sur le plan éthique, une « belle action », un « beau geste ». Tout ce qui manifeste une valeur éminente, ou est porteur d’un certain idéal. C’est ce qui interpelle nos aspirations essentielles.

BEAUTÉ

Il y a un consensus autour de la beauté, qui ne peut laisser prise au discours dogmatique. Pour Kant le jugement de goût est une énigme philosophique qui propose une universalité qui n’est pas conceptuelle mais esthétique. Le jugement de goût est le seul jugement qui est une “prétention à l’universel”. Kant a une attitude que l’on pourrait qualifier de militante face à la beauté. A chacun par sa propre volonté pour convaincre l’autre de son jugement sur la beauté. Le jugement de goût doit servir de guide.

BEETHOVEN

Pour pouvoir comprendre la Cinquième de Beethoven, il faut se poser la question suivante : « Que reste-t-il donc quand on soustrait d’une musique quelconque, la plus simple possible, le fait que c’est une suite de sons ? » Ce qui reste, ce sont les conditions suffisantes de la musique. 

BELLUS

Les termes de « beau » et de « beauté » dérivent du latin bellus, diminutif familier de bonus, joli, gracieux, charmant. La langue française a gardé l’idée de supériorité du beau sur le joli, le gracieux, le charmant.

La Bruyère distinguait l’agrément de la beauté  ayant : « quelque chose de plus réel et de plus indépendant du goût ». 

Sous cette catégorie d’agrément peuvent être rangés le joli, le gracieux, le charmant. La séduction est immédiate et éphémère car elle n’exige ni connaissance, ni expérience. 

Dans son Encyclopédie, Diderot écrit : « Le beau opposé à joli est grand, noble et régulier; on l’admire; le joli est fin, délicat; il plaît ». C’est dans un sens analogue que Kant opposera résolument le beau à l’agréable.

Au joli manque le mystère. Le joli semble épuisé au premier regard, l’œil ne revient pas sur lui. Un bibelot a beau être joli, il ne sera pas beau, au point d’être une œuvre d’art. 

Le beau opposé à joli est grand, noble et régulier. Au joli manque le mystère. Le joli semble épuisé au premier regard, l’œil ne revient pas sur lui. Il est décoratif : un bibelot considéré comme joli, ne sera pas considéré comme une œuvre d’art. 

La beauté est une notion qui n’est pas simplement liée aux sentiments, à quelque chose de mièvre, de suranné. La beauté véhicule une pensée déterminée,  rendant compte du rôle fondamental des couleurs, des sons et des formes. L’art étant connaissance, la beauté permet de révéler cette connaissance.

Le sens de la beauté devrait être ressenti comme nécessité, une nécessité intérieure et vitale pour comprendre qu’elle est significative pour toute action humaine. Car comment une action peut-elle déboucher sur quelque chose de constructif si la beauté en est absente ? La beauté est garante du respect de la vie, du respect des valeurs humaines. 

BOIS

L’artiste maitrise le bois qu'il apprend à manipuler avec le maximum d'efficacité. La recherche conduit parfois à ne rien trouver et de donner le sentiment d'avoir perdu son temps. Par ailleurs, cette impression de temps perdu est une force. On ne cherche pas pour trouver, on cherche parce que que l'art est l'aptitude à se questionner. La sculpture se construit, s'assemble lentement avec précision.

BON GOÛT

Le bon goût n’est pas une faculté dont on dispose : c’est un jugement lié à une une activité. Le jugement de goût ne saurait relever d’une nécessité phénoménologique, psychologique ou ontologique.

BONHEUR

Le bonheur est un état fugace, fugitif, furtif dans lequel on se trouve parfois, toujours à posteriori. Pour connaître cet état, il faut avoir conjuré le négatif. Le négatif, c’est la douleur sous toutes ses formes : le malaise, le trouble, la peine, l’inquiétude. 

BRANCUSI

« Si nous nous limitons à une reproduction exacte, nous arrêtons l’évolution de l’esprit », Constantin Brancusi. La sculpture génère des formes, débouche sur l'inattendu, l'harmonie et l’équilibre. Les formes obtenues expriment à la fois des représentations figuratives et abstraites. 

L’abstraction consiste à percevoir une portion de réalité dans un univers de matière. Un certain nombre des œuvres de Constantin Brancusi, ont pour titre : « Socle, Socle cylindrique, Borne-frontière, Socle bois naturel, Tabouret, Socle cruciforme, Elément pour une Colonne sans fin ». Ces titres évoquent une lointaine représentation du réel. Avec « Sculpture pour aveugles » le toucher est essentiel. Brancusi ne se perçoit pas comme un créateur, mais comme un intermédiaire capable de révéler l’essence de la matière à travers les matériaux utilisés.

BROUILLON

Une esquisse est le premier jet d'une œuvre dessinée, préalable à un travail ultérieur. Dans certaines pratiques picturales contemporaines, l’esquisse est perceptible à travers plusieurs effets : surfaces fines, indétermination des formes, espaces laissant entrevoir la toile brute, spontanéité du geste, repentirs ou encore apparition des lignes de construction. 

L’esthétique de l’esquisse pose quelques questions : s’agit-il de construire, d’ordonner un espace figuratif, ou de le suggérer ?

CABRIOLET JAUNE

Le peintre Eugène Delacroix observait un cabriolet jaune serin stationné en plein soleil. Il s’aperçût, à sa grande surprise, que le jaune de la voiture produisait du violet dans les ombres. Il en déduisit que l’ombre se colore toujours légèrement de la complémentaire de la couleur claire. Les impressionnistes en feront plus tard une directive principale de leur peinture. Un objet jaune crée, à leurs yeux, des ombres violettes, comme dans « Meule, effet de neige » de Claude Monet. C’est bien ce que nous vivons et expérimentons, mais cela n’a pas de base scientifique : le jaune de la meule de foin ne produit pas de rayonnement qui altérerait les longueurs d’onde environnantes. En fait, cet effet n’existe que pour nous. 

CACHER ET MONTRER

La photographie est le voile qui permet de cacher et de montrer à la fois. Elle ajoute un décalage entre perception du réel et perception de l’image. La prise de vue est une prise d'images voilées. C’est l’apparition du sujet dans sa forme la plus exaspérée, une position limite entre l’apparition et la disparition. L’alternance positif-négatif symbolise de façon évidente les oppositions : vie-mort, désir-répulsion, masculin-féminin.

L’image photographique est à la fois une césure et une déposition du temps passé. Elle interroge le processus de la mémoire et du souvenir, fait coexister ce qui a disparu et ne sera jamais plus, ce qui a été épargné, ce qui a échappé à l’effacement.

CADRE

Définition : Bordure de bois, de métal, de marbre, etc., qui entoure un tableau, un miroir, une photographie... tout autre objet qu'elle protège et décore.

Dans l’art contemporain il semble que le cadre soit de plus en plus absent. Pour certaines œuvres c’est le titre qui fait cadre : il est celui qui désigne ce qu’il faut voir, et concentre le regard sur ce qui est exposé. Le titre-cadre sert d’intermédiaire entre l’œuvre d’art et son regardeur. D’autres artistes peignent de faux cadres sur la toile, des entourages peints : le rebord d’une fenêtre, un appui de pierre, ou de bois en trompe-l’œil qui sépare l’espace représenté. Cet « effet » de profondeur sert de passage pour entrer dans la peinture et en même temps la maintenir à distance.

CARNET

Le carnet est fait pour s’affranchir de l’aspect plus complexe de la composition, de l’œuvre aboutie. Le carnet permet de lever certains blocages et de se laisser aller. Il est parfois de construction chaotique et permet de se libérer en faisant des dessins « spontanés ». Les compositions faites en collages, sont une façon de reprendre des pages de dessins, de croquis, de calligraphie qui dorment dans des boîtes. On peut les accompagner de photos diverses, de pages de livres, de morceaux de partitions musicales. 

CARPE DIEM

Carpe diem, quam minimum credula postero : « cueille le jour sans te soucier du lendemain, et sois moins crédule pour le jour suivant ». Cette maxime est commune sur les cadrans solaires, en architecture ou dans les poésies. Étymologie : expression tirée des vers d'Horace, philosophe romain de l’Antiquité.

CENDRE

La cendre n’exalte pas la vérité, parce qu’elle est un lieu de mémoire et de perte sans retour. Elle porte en elle, la différence entre ce qui reste et ce qui a été. C’est ainsi que la cendre, mot gris et poussiéreux, arrive à se substituer à la trace.

CHATEAUBRIAND

Voyages en Orient : « On m'a montré à Portici un morceau de cendre du Vésuve, friable au toucher, et qui conserve l'empreinte, chaque jour plus effacée, du sein et du bras d'une jeune femme ensevelie sous les ruines de Pompéi. C’est une image assez juste, de la trace que notre mémoire laisse dans le cœur des hommes, cendre et poussière. La mort, comme un statuaire, a moulé sa victime. »

CITATION 

« Se rappeler qu’un tableau, avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblée » Maurice Denis

« Qui taille granit, marbre, albâtre, se confronte à lui même, à ce qu'il a de plus fort comme de plus sensible. Ce que répond la pierre en écho dans la sculpture vibre au plus loin depuis des millénaires. Chacun fait sur la matière danser la lumière. La pierre n'écoute ni ne parle sans raison quand notre main formule ce que notre coeur porte ». René Coutelle

« Tout est sculpture. Je considère tout matériau, toute idée qui prend vie librement dans l'espace comme une sculpture. » Isamu Noguchi

« L'art c'est la plus sublime mission de l'homme puisque c'est l'exercice de la pensée qui cherche à comprendre le monde et à le faire comprendre. » Rodin 

COLLECTIONNEUR

Quand Kahnweiler demandait à Picasso : « qu’est-ce qu'un peintre » ? Il répondait : « c’est un collectionneur qui veut se constituer une collection en faisant lui-même les œuvres qu'il aime chez les autres. Ensuite il en fait tout autre chose. »

CONCEPT

Dérivé du latin concipere (« contenir »), le concept est une idée abstraite et générale. Cette représentation mentale objective, stable et exprimée par un mot s’obtient par un effort d’abstraction. Conceptualiser, c’est dégager les caractères de phénomènes apparentés. De la série : sapin, chêne, hêtre, noyer, bouleau … découle le concept « arbre ».  

L’art conceptuel contemporain est dépourvu d’idéal, et cherche souvent à provoquer, à questionner, à parodier, sans susciter le sentiment du beau qui est évacué.

CONTRE-CULTURE

La culture permet de ressentir des expériences et des sentiments, une joie à comprendre, d’éviter les abysses de l’ignorance. L’art et les artistes s'occupent d’éveiller l’imagination, de ne pas se laisser engourdir par cette veilleuse si souvent sourde qui nous habite, de nous faire sortir de nous-même en nous montrant d’autres univers. 

La confusion entre culture et loisirs fait le jeu du consumérisme, « contre-culture » qui facilite la marchandisation de la culture. L’idéologie libertaire de la « contre-culture » nourrit très bien le capitalisme culturel et l’industrie des loisirs. Elle a rendu indiscernables culture, loisirs, divertissement, tourisme, éducation et consommation. Tout peut désormais être consommé. 

Il faut distinguer ce qui relève du culturel – des modes de vie, mœurs, croyances, pratiques de toutes sortes (point de vue anthropologique) – de la culture, ce qui instruit, élève l’esprit. Le culturel ne réclame aucun effort particulier : il est comme un milieu dans lequel chacun baigne, et dont il s’imprègne par simple socialisation. La culture réclame un effort, car il s’agit de s’extraire pour se hisser à la compréhension et à l’appréciation des œuvres.

COTE

Tout ce qui est produit, tout ce que l’on voit, n’est pas forcément bon. La qualité ne se mesure pas toujours à la valeur marchande. Les « grandes galeries » qui proposent des œuvres à un prix élevé, voire très élevé, imposent une mode dans l’art, la mode étant étroitement liée à la valeur marchande. Ces galeries, proposent  une surface d’exposition majestueuse, imposante, qui impressionne et s’inspirent des musées d’art. Les conservateurs associés aux critiques d’art, aux philosophes de l’esthétique imposent la mode, et font « monter la cote ». Le vendeur et l’artiste chanceux, spéculent ainsi, sur un avenir improbable. 

COULEURS

Les 5 couleurs de base sont le rouge, le bleu, le jaune, le blanc et le noir. On peut parler d’un bleu-vert, ou encore d’un jaune orangé, mais pas d’un rouge-vert. Pourquoi cela ne veut rien dire ? Parce que quelque chose semble séparer structurellement les complémentaires que sont le rouge et le vert : l’eau ne se mélange pas avec l’huile. Ici, notre liberté de langage achoppe et nous ne parlons plus comme nous le voulons.

CRITÈRES ESTHÉTIQUES

L’histoire montre que nos goûts sont éminemment variables, ainsi que les critères esthétiques subissant une variabilité de fait. Par exemple, une élite d’esthètes survole les siècles pour sélectionner les « chefs-d’œuvre éternels ». Cette élite aurait tendance à juger et à apprécier les œuvres du passé avec l’œil du présent, à la façon du romantique qui aime les ruines envahies par la végétation, mais qui aurait peu apprécié les bâtiments originels. 

CROÛTE

En art, il faut se méfier d’une vision manichéenne où toute expression artistique, serait bonne ou mauvaise. Entre le blanc et le noir, il y a malgré tout, une importante gamme de gris. Qui a du talent, qui n’en a pas ? Qui a une aptitude naturelle, qui est besogneux ?

Le terme de croûte est employé pour désigner une œuvre d’art considérée comme ratée. L’origine viendrait de l’artiste « amateur », vu comme un « barbouilleur débutant » qui ferait repentir sur repentir, afin d’obtenir un résultat satisfaisant tout en cachant ses maladresses par son absence de maitrise technique et son absence de talent.

Mais est-ce que la croûte est un élément de laideur ? Elle possède une certaine plasticité dans son irrégularité, son inadéquation avec la norme, son côté excessif, ayant beaucoup de relief, pour retenir l’attention. Pourtant malgré cet aspect péjoratif, certains artistes jouent de ce terme, tant du point de vue physique que conceptuel, jusqu’à retourner cette vision, et être reconnus dans le macrocosme artistique. 

CULTURE ARTISTIQUE

Qui ne s'est pas senti un jour grandi, ému, transporté, bouleversé, à l'écoute d'une œuvre musicale, devant une peinture, ou à la lecture d'un poème ? L'œuvre d'art est ce qui nous rappelle contre tout ce qui prétend nous réduire à l'ordinaire des jours. La culture artistique contribue aussi à l'élargissement de la perspective sur le monde et permet d'échapper à l'enfermement dans l'ici et maintenant. Elle enrichit la connaissance et donne les mots pour le dire à celui qui veut traduire sa démarche en écriture. 

DÉBORDEMENT

L’art contemporain, par son gigantisme, va jusqu’à déborder de l’espace traditionnel du musée, joue un rôle d’influence dans cette mutation du regard et de la sensibilité. Ce type d’art table principalement sur les effets de sidération : œuvres monumentales ou installations, ambiances favorisant la sensation forte au détriment de la représentation. 

DÉCHÉANCE

Que dire alors des œuvres qui nous émeuvent, qui manifestent la misère humaine, la déchéance, l’apocalypse, la guerre, la banalité de la vie ? Où est l’idéal dans Les Godillots de Van Gogh ou Les Misérables d’Hugo ? À quoi ces œuvres nous élèvent-elles ? Le vrai n’est pas toujours plaisant, et il n’en demeure pas moins une valeur éminente.

DÉMARCHE COMMERCIALE

La démarche commerciale de l’art est éphémère et soumise à un système de rentabilité financière avec une compétition, où chaque artiste désire être original, pour être pertinent. Certains artistes abandonnent cette compétition effrénée pour des raisons de lassitude, ou par choix personnel. D’autres aiment au contraire se plonger dans la compétition, par goût du jeu, par curiosité, pour comprendre les rouages complexes du monde artistique. Le jeu entre le vendeur et l’artiste, consiste donc, à faire fructifier la valeur artistique, potentielle, toute relative. Beaucoup d’artistes se bousculent au portillon, le filtrage est intransigeant et seuls, quelques-uns sont élus. L’art est lié au monde du commerce. Un artiste qui sait faire sa « promotion commerciale », qui sait se « vendre » aura bien plus de chances d’être regardé. Il sera connu et reconnu par un plus grand nombre de personnes et sa « cote va grimper ».

DÉSIR

Schopenhauer voit dans le désir, le malheur de l’artiste : tant qu’il n’est pas satisfait, il est vécu sur le mode de la souffrance mais, une fois réalisé, il engendre un autre désir. « La vie oscille, comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l’ennui ». L’ennui est le désir de désirer à nouveau et, de pressentir qu’on ne sera jamais vraiment satisfait.

DESSIN

Le dessin est ce qui fixe : le trait produit le contour d’une reconnaissance de la figure. Le trait est un concept qui résume un projet, un pourtour qui délimite. Tout ce qui concerne la mesure, la proportion, l’exactitude et la « correction » revient au dessin. Le cercle est tracé d’un seul mouvement de la main, pour marquer la maîtrise de l’art du graphiste. Le cercle évoque une émotion esthétique dont il est la représentation.

DESSIN

Etre à la recherche d’un vécu subjectif, dont la lumière extérieure est un symbole ? Le dessin serait alors le tracé extériorisé de ces transformations intérieures, mais au moyen duquel, les idéations internes seraient accomplies. Le caractère objectif du dessin ne lui permet pas d’exprimer ce qui est contingent mais seulement les traits généraux d’une ambiance ou, mieux encore, l’esprit soustrait aux troubles extérieurs.

DESSIN

Le dessin est une base, un tremplin pour la peinture, une constante, une préoccupation continue dont la présence est étroitement mêlée à la peinture, à la sculpture ou à la photographie. Le dessin est une activité pour découvrir la dimension culturelle de chaque instant, pour explorer, pour développer sa créativité. Le crayon ou le pinceau descend sur la feuille et se pose. C’est le prolongement du mouvement, il ne saisit rien, il dépose une trace de couleur sur la feuille blanche. 

Né du désir de capter l’image d’un lieu, d’un être, de bribes d’histoires, le dessin confère une mystérieuse présence posthume qui actualise l’émotion première du dessinateur.

Tantôt le trait circule sur la feuille, tantôt il circule en périphérie, tantôt il passe au dehors et migre du papier vers le vide. Il fait un saut périlleux pour explorer ce qui se passe de l’autre côté. Le dessin s’exprime à travers le noir du trait, le noir des formes parfois à la limite de l’abstraction. La structuration de l’espace graphique génère des variations : la densité des remplissages, la symétrie, les hachures, les répétitions, les surfaces foncées s’opposent aux surfaces blanches. 

DESSINATEUR

Le dessinateur se meut dans une sorte d'espace-temps qui, parfois, se démultiplie à l’infini, mobile, mouvant, sans frontières, ni repères. Il peut y trouver sa plus grande satisfaction, mais aussi, tel un bateau ivre, s'y consumer et y rencontrer le vide.

DESSINER

L’artiste doit réussir le trait, la forme, la figure, du premier coup, sans pouvoir se reprendre, en raison de la fragilité du papier de soie comme support. 

DESSINER

Parfois, le dessin prend la tangente, s’échappe de la surface plane vers la réalité tridimensionnelle de l’espace. Les trajectoires se développent, acquièrent une agilité nouvelle. Noir, blanc, premier plan, arrière plan, trait et suggestion, permutent sans cesse. Le dessin s’épanche dans un noir dont les expansions et les resserrements ne cessent de se répercuter sur les accidents du tracé. 

L’image se déplace entre présence et absence, glisse vers l’aboutissement de l’épreuve finale. C’est le combat de la quête du saisir, de saisir le réel. Après la fermeture de l'oeil, c'est la trace du crayon qui se dépose sur la page blanche. Le doigt se déplie et devient le prolongement de l’œil qui saisit formes, lumière et matière.

DESTINÉE

Le destin étant l’ensemble des hasards, des fatalités qui déterminent le cours des évènements, André Malraux écrivait que « l’art est un anti-destin ». L’art aurait-il pour vocation de créer des liens dans une société afin de faire oublier cette fatalité ? L’art est aussi malgré tout, l’expression du hasard, qui retrace des évènements collectifs, des propositions de perceptions du monde, du visible ou de l’invisible.

DÉTERMINANTS

Aux déterminants sociaux et culturels, il faut ajouter les déterminants individuels du goût. L’histoire personnelle de chacun est un facteur explicatif de la relativité des goûts. Ce qu’on apprécie est influencé par les expériences, par les modèles auxquels on s’est identifiés, et aussi par l'éducation.

DIAPHRAGME

De l’agrandisseur jaillit le glissement de la lumière qui diffuse la projection du négatif. La clarté venant de l’intérieur de la boîte noire, passe par le trou du diaphragme, espace qui se rétrécit à vue d’œil, en un clin d’œil. Plus l’orifice est petit, plus la lumière qui s’y glisse devient sage et docile. La lumière est émargée par le cache qui cadre et tranche pour devenir image sur la feuille sensible. 

L'obturateur de l'appareil photographique possède aussi cette action de dévoilement : pendant un instant le négatif est plongé dans un bain de lumière, puis « s’impressionne » de l'image qu’il transforme en image latente, positionnée sur le négatif. 

L’image révèle l’opacité des êtres, leur mystère, leur fragilité, leurs errances, ce que l’on entrevoit, qu’on devine et qui se dérobe. Comment comprendre l’histoire de tout ce qui n’entre plus dans le champ et se trouve dans le hors champ ?

DIFFUSION

Le travail du galeriste qui repère l'artiste, l’expose. Maintenant les réseaux virtuels sont aussi attractifs que la presse et les livres qui signalent les expositions, les salons. L’artiste qui « produit », cherche à se promouvoir, pour en vivre, soit pour faire de la place dans son atelier, soit pour sa notoriété. Pour se faire connaitre, il a le choix, désormais, de la vente en ligne : le e-commerce. La concurrence est rude entre les artistes et entre les plateformes dédiées aux métiers d’art. Le e-commerce permet aux artistes de gagner en visibilité et de vendre en direct leurs propres créations.

DORMEURS

Les dormeurs sont couchés et se perdent dans la nuit qui les enveloppe. Ils se laissent bercer et entrent dans un rêve lointain, posés sur la matière mate et sourde du plâtre. Les dormeurs préfèrent la stabilité et le repos, le moule est leur refuge, le lieu de leur naissance. Les dormeurs se refusent à l’instabilité des silhouettes et préfèrent la stabilité et le repos. Le fond noir est leur refuge, le lieu de leur naissance. 

Les dormeurs éveillés, sortis des contes des mille et une nuits, sont des miraculés convulsionnaires. Leurs plaisirs émerveillés assurent sur le monde un pouvoir visionnaire, que ni la raison, ni l'instinct de conservation, ne sauront en user outre mesure. Envoûtés, fichant en guise d’espoir, une belle image au croisillon de leur coeur, ils deviennent pareils à un papillon qui s’envole dans l’espace de leur liberté.

ÉCHANGES

L’art favorise les relations et les échanges amicaux entre les peuples. Dans toute forme d’art émerge : sentiments, émotions, désirs, réflexions et intuitions. L’art, à travers les époques de l’histoire de l’humanité, montre une nécessité dans la vie des hommes, une nécessité de s’exprimer et d’expérimenter.  

ÉCHANGES

L’art favorise les relations et les échanges amicaux entre les peuples. Dans toute forme d’art émerge : sentiments, émotions, désirs, réflexions et intuitions. L’art, à travers les époques de l’histoire de l’humanité, montre une nécessité dans la vie des hommes, une nécessité de s’exprimer et d’expérimenter.  

ÉCOUTE

Être à l’écoute, c’est, pour l’animal, être en position d’attente des événements. Un son, un bruit, c’est le signe d’un événement qui a brisé la régularité rassurante. Un animal qui s’éveille brusquement est aussitôt aux aguets. Un bruit n’est généralement pas bon signe dans l’univers du vivant sauf dans un univers familier.

ÉCRITURE

Images et signes n’ont pas les mêmes destinées : savoir écrire suppose l’automatisation des tracés qui forme les lettres du texte. L’acte d’écrire est proche de l’inconscient car l’écrivain ne perçoit pas les détails du mouvement de sa main. Seule l’histoire du sujet qui le préoccupe, dicte sa plume : le mouvement devient alors autonome. Une économie des gestes s’accomplit dans la maîtrise de la cursive. 

Or, le dessin ne suit pas cette évolution dans la mesure où il n’est pas automatisé : le tracé suit ce que l’œil lui propose. Une autre différence réside dans l’usage de l’espace graphique : l’écriture impose une direction, sur une ligne continue, alors que le dessinateur reste libre des mouvements sur la feuille, qui peuvent aller de haut en bas ou de gauche à droite.

Le dessin est une communication avec soi et avec les autres qui oblige à puiser dans l’inspiration pour aller y chercher le nombre d'éléments oniriques nécessaires. Le dessin oblige à se concentrer sur soi-même, afin d’explorer l’inconscient révélateur de surprises multiples, bonnes ou mauvaises. Pour construire une image, le dessinateur projette la résurgence de ses souvenirs.

EFFET D’ÉCHELLE

La lecture d’une œuvre est différente quand sa taille tend vers une dimension physique. L’échelle de référence pour la contemplation d’une œuvre est la taille humaine : toute structure plus grande donnera un effet monumental, plus petite elle tendra vers l’objet. En photographie, sur une image très agrandie, les grains sensibles juxtaposés, noirs, blancs, ne représentent plus rien d’autre que des points. Dans l’image numérique très agrandie, on ne voit que les pixels. L’image s’est vaporisée, car elle n'a jamais été qu'un « effet d’échelle » pour être invisible. 

Dans mes sculptures, les « élévations » répondent à cet effet d’échelle car leur taille est relative : elles peuvent être minuscules ou très grandes et garder la même « consistance ».

EFFICACITÉ

Comment développer le potentiel créatif, la sensibilité, le processus de création, comment faire aboutir la réalisation de l’œuvre ? A partir de quel instant doit-on poursuivre un travail artistique, et/ou à quel moment faut-il s’arrêter ? 

Les deux termes : aboutissement-présentation, oscillent entre efficacité, originalité, complexité, simplicité, spontanéité, ancrage dans l’histoire de l’art. Le fait de voir, d'oublier, puis de revoir et de revoir encore une œuvre la rend familière, et permet de se rendre compte, si la force qui s’en dégage est toujours présente.

Aboutir une création, c’est mettre au jour des qualités éminentes ou des défauts, dont l’ensemble est censé élaborer un style. Comment définir la créativité? Pouvoir de création, d’invention, d’imagination ? La créativité procède en deux temps : réfléchir puis produire afin d’entrelacer le moyen à partir de l’idée, produit de l’imagination et sa finalité pour aboutir à une réalisation concrète. Elle suppose de regarder le monde de manière différente, de trouver des modèles particuliers, d’établir des connexions entre des situations apparemment sans lien, de générer des solutions concrètes.

La créativité est aussi une quête d’exploration cognitive du monde intérieur et du monde extérieur, pour établir des connexions entre diverses facettes : intellectuelles, émotionnelles, expériences diverses et sensations fortes. L’artiste possède une aptitude naturelle de création, une faculté créatrice évidente, une habileté à inventer des solutions, un talent, une capacité pour saisir les nuances des couleurs de la vie.

ÉMOTION

les effets musicaux s’apparentant à des émotions, liées au tempo et à l’intensité (expressivité), et ceux permettant de créer un climat résultant de la mélodie, de l’harmonie ou du rythme (discursivité). Il se lance aussi à l’abord du jazz pour y voir une « expressivité individuelle exubérante et solitaire en dépit des entraves ». Délaissant une explication de la musique fondée sur le modèle linguistique (quelque chose est dit mais on ne sait pas quoi), la question de sa représentation est alors posée.

ÉMOTION

L’émotion est donc infiniment variable, mais obéit à une loi constante : une musique nous émeut d’autant plus que, dans son déroulement, chacun de ses événements nous semble le plus imprévu possible quand il advient et le plus rétrospectivement prévisible dès qu’il est advenu. Moins d’imprévu au présent signifie qu’on entend dans la musique quelque chose de mécanique, elle nous semble dénuée d’inventivité : l’émotion baisse. Moins de prévisibilité rétrospective signifie qu’on entend dans la musique moins de nécessité interne et que son déroulement nous semble moins clairement dû à ses causalités internes : l’émotion baisse. Mais selon la sensibilité de chacun, selon ses habitudes ou son éducation, on privilégiera le prévisible au présent, un peu plus mécanique, ou l’imprévisible au passé, un peu plus complexe.

ÉMOTION

Il n’y a pas d’émotion musicale sans une attitude esthétique. Il faut être « tout écoute », « rien qu’écoute », si l’on peut dire. L’émotion peut alors naître de l’attention à l’expressivité de la ligne mélodique. On y entend parfois comme une voix qui parle, qui se confie, qui interroge, en somme qui exprimerait ses émotions personnelles (selon une théorie remontant à Rousseau). L’alchimie de l’émotion esthétique varie évidemment selon les musiques et selon les goûts ou les humeurs de chacun. Il y a cependant des constantes.

ÉMOTION

On prête à la musique certains traits émotionnels : on dit par exemple qu’elle est gaie – ce qui paraît être un abus de langage (seul un être vivant peut être gai ou triste). Cela s’explique aisément : elle se meut comme une personne gaie – par exemple grands bonds rapides, ou accords harmonieux.

ÉMOTION

L’émotion s’instaure dans le climat de ragas, où la permanence d’un bourdon exprime la permanence espérée), ou dans un chant grégorien, ou aujourd’hui de celle d’Arvo Pärt. L’émotion qu’elles créent est celle que l’on éprouve lorsqu’on se sent en harmonie avec un monde dont on voudrait arrêter le cours pour pouvoir le contempler.

ÉMOTION

L’émotion devant une peinture ou à l’écoute d’une musique découle de la perception sensible. Une œuvre musicale dont le déroulement serait imprévisible ne serait plus entendue que comme une suite chaotique de sons. 

Cette opposition de tension et de détente est fondatrice de nos émotions, en créant des tensions internes pour mieux les apaiser. Couleurs, formes et sons sont des vibrations, des énergies positives, un résultant de la pensée, une suite de résonances.

La musique comme toute forme d’art, déclenche des émotions modulées par divers paramètres, comme le tempo ou le mode majeur ou mineur. L'impact de la musique suscite colère, joie, tristesse ou apaisement. Une répétition rassurante, une symétrie respectée, une attente satisfaite, une tension résolue suffisent à expliquer qu’une musique fasse venir les larmes aux yeux ou provoque une irrépressible envie de battre du pied ou de danser.

Les couleurs ne nous disent pas directement ce que sont les objets sensibles, mais comment ils sont. Les sons ne nous disent pas comment sont les objets, mais comment résonne leur texture. 

ÉMOTION

Mais les émotions esthétiques ordinaires sont produites par des musiques qu’on peut nommer « thermodynamiques », parce qu’elles tendent au contraire à créer en permanence des tensions internes afin de les apaiser et d’alimenter ainsi leur propre mouvement. C’est le cas de la plupart des musiques occidentales ou africaines, qu’elles soient tonales ou modales, savantes ou populaires. Chaque partie du discours musical y est faite de tensions (harmoniques, mélodiques, rythmiques) menant à une détente (un accord parfait, une tonique, un temps fort, une répétition, etc.)

ÉMOTIONNELS

Même si effets physiques et émotionnels sont souvent mêlés, les effets proprement émotionnels sont plutôt dus aux relations entre hauteurs des notes et à leurs effets mélodiques ou harmoniques. Il faut distinguer deux grands types d’émotions musicales : les émotions « qualifiées » (tristesse, gaîté, sérénité, inquiétude, colère, etc.) et les émotions « non qualifiées » (« cette musique m’émeut »).

EMPREINDRE

Empreindre, c’est marquer par pression une forme sur quelque chose. La trace est une suite d’empreintes, de marques laissées par le passage de quelqu’un, d’un animal. C’est chacune de ces empreintes ou de ces marques. Pour qu’une empreinte de pas se produise en tant que processus, il faut que le pied s’enfonce dans le sable, que le marcheur soit là, au lieu même de la marque à laisser. Mais pour que l’empreinte apparaisse en tant que résultat, il faut aussi que le pied se soulève, se sépare du sable et s’éloigne pour produire d’autres empreintes. Le marcheur disparait et seules ses empreintes, pendant un certain temps, restent inscrites sur le sol. Il n'y a pas d'empreinte sans deux participants : l'auteur et l'observateur, même dans le cas où l'auteur remplit successivement les deux fonctions. Cette médiation s'opère par le transfert d'un matériau sur un autre, et d'un imaginaire du passé à celui du présent.

L'empreinte est singulière dans son rapport à son référent. Elle n'est pas un concept, elle désigne un objet ou un être dans sa particularité. Tout comme le négatif photographique, l'empreinte est toujours unique. Elle atteste et authentifie l'existence d'un référent. Alliée au fantasme, la prise d’empreinte magnifie une beauté figée, prise au piège.

EMPREINTE

Le corps est un élément qui disparait, en nous regardant du fond de son empreinte, de son silence, de sa vision en noir, gris et blanc. Le corps devient un simple morceau d'espace : sa fonction est de restituer le réel en pièces pour faire ressentir la profondeur d'un monde où il se fond. Au chaos du monde répond le chaos du corps.

EMPREINTE

C'est aussi la tentative de rendre compte d'un autre transfert, d'une autre empreinte celle que la pierre muette laisse dans notre imaginaire, un message non formulé qui lui tient lieu de sens. C’est une trace qu’elle laisse au plus profond de nous-mêmes.

EMPREINTE

Le personnage est dans son empreinte, dans une sorte de nuit étoilée, une galaxie tournante. C’est l'empreinte secrète d'un feu dont la face cachée projette ses ombres. Le blanc suspend et contient les limites, la tache visible énonce la matière. Elle donne à lire la trace de sa pulsion et de sa force. Les traits et les traces des corps, restent visibles sous la deuxième «prise» qui les enveloppe. Les empreintes, parfois positives, parfois négatives apparaissent dans des tirages au noir profond. Les corps-momies figurent une vie devant la mort, un état paradoxal, une transgression. Le geste a la beauté de l’archéologue, d’un théâtre en perpétuel mouvement. 

ENCRE NOIRE

Comment faire dialoguer l’encre noire d’un dessin à main levée avec le fond ? Comment jouer de cette pratique gestuelle du trait qui traverse la feuille ? Le noir de l’encre tapisse peu à peu la surface blanche de la feuille. La figure se tourne, se retourne pour aller de l’autre côté du plan : elle porte en elle la présence éphémère et illusoire de la vie et quitte la lumière pour l’obscurité

ÉNERGIE

L‘art est un transmetteur d'énergie de flux vital, de force, d’inspiration, matérialisées par des pigments, des notes de musiques, des mots, ou de la pierre taillée. L’énergie cherche un support où se fixer. Parfois, l'énergie est subtile, parfois elle est violente, parfois, elle se perd, devient faible. Ou bien elle se concentre et vient s'emmagasiner dans un trait de pinceau, une suite d’accords, ou une série de grattages et de ponçage sur une bille de bois. Etre créatif c’est laisser parler sa voix intérieure, s'exprimer, de partager avec les autres une vision. 

L'artiste, lorsqu'il crée, ressent une vibration, une chaleur, une présence. C’est un ordre qui retentit, un mécanisme qui se met en action. Si on s’interroge devant un tableau, si on ressent le choc en écoutant de la musique, si on est emballé devant une installation d'art contemporain, cela signifie que l’on est conducteur et réceptif. La perception permet de libérer son énergie, de ressentir une émotion. Faute de quoi on considère que la musique est du bruit organisé et que l'art contemporain est une vaste escroquerie.

ENGAGÉ

Quelles sont les différences entre un artiste « occasionnel » et un artiste « engagé dans sa passion », celui qui ne peut exister et s’exprimer qu’a travers son art.

L’artiste occasionnel pratique la peinture de façon intermittente, pour ses loisirs, et reste dans des sentiers bien balisés. Le terme a une légère connotation péjorative.

L’artiste engagé tente de vivre de sa production. Il pratique l’art depuis l’enfance, possède une maitrise technique évidente et une bonne connaissance de l’histoire de l’art, des civilisations. Son expression traduit des besoins, des désirs, une singularité évidente, s’éloigne des courants artistiques connus.

ENLAIDISSEMENT

Malgré les grandes innovations et des avancées technologiques, il faut bien constater que notre monde semble moins beau que celui qui l’a précédé, tant sont évidentes les dégradations et les destructions dans le milieu urbain, aussi bien que dans le milieu naturel. L’enlaidissement du monde est une marée noire qui submerge et met les hommes dans un état de contrariété et d’agacement.

ENRICHIR L’IMAGE

Le papier sensible est livré à la lumière. Dans un second temps, il va être livré à la sensibilité et à l’imagination avec des suppressions ou des ajouts, pour enrichir l’image en y intégrant ici ou là un noir, un blanc ou un gris, jouant avec toute une gamme de dégradés. Puis vient le moment où je me dis « voilà ce que je cherche ».

ÉPISTÉMOLOGIE

L’épistémologie (discours de la connaissance) dans l’histoire de l’art, est d’engager des partis pris théoriques, discursifs, normatifs, idéologiques, afin de définir : le style, l’œuvre, la norme, les influences, l’évolution, le progrès. Comment penser l’histoire de l’art autrement ? Comprendre l’art ne signifie pas seulement considérer l’art dans l’histoire, mais aussi comprendre un phénomène culturel qui exprime ou symbolise une époque. 

ESPACE DE LA MÉMOIRE

La peinture est aussi l'espace de la mémoire. Dans mon enfance, j'avais trouvé dans la bibliothèque familiale deux grands dictionnaires où, sur de pleines pages, étaient reproduites les œuvres en noir et blanc, des peintres pompiers du XIXe siècle. Il s'agissait des tableaux présentés aux fameux « Salons des Artistes français », peinture, que Malraux appelait : « chats-dans-les-paniers ». Ces reproductions m’intéressaient par leur côté anecdotique, grandiloquent, et érotique. Dans le même temps apparaissaient les premières reproductions en couleurs de Van Gogh, de Gauguin, de Renoir : les impressionnistes me fascinaient. 

ESPÉRANCE

Il y a deux contradictions fortes dans l’existence : la première, c'est quand nos désirs ne sont pas satisfaits; la seconde, c'est quand ils le sont... Nous oscillons entre les deux, et c'est ce qu'on appelle l’espérance ou parfois l’illusion.

La vie est parfois décevante et on n'échappe à la déception qu'en échappant à l'espérance. Toute espérance est déçue, parce qu'elle n'est pas satisfaite, et devient frustration. Une espérance, c'est un désir dont la satisfaction ne dépend pas de nous alors que la volonté est un désir dont la satisfaction dépend de nous. Il est bon de savoir associer les deux sans se faire d’illusions.

ESSENCES

La sculpture permet la découverte du veinage du bois, de directions inattendues, de défauts, d’aspects colorés insolites. Les aspérités du bois font partie de l’esthétique de chaque pièce.

Les essences sont : acacia, acajou, bouleau, buis, cèdre, châtaignier, chêne, cormier, frêne, hêtre, if, merisier, noyer, ormeau, pin, platane, saule, séquoia, tilleul. Certaines essences possèdent un grain fin, d’autres un aspect pelucheux et tendre, d’autres des couleurs inattendues. Le bouleau et le tilleul sont des essences plus tendres. Le frêne est un bois intéressant pour le cérusage. 

ESTHÉTIQUE

Tout étant confronté au goût, rien n'échappe à la notion d’esthétique. Duchamp questionne la définition de l’esthétique donnée au cours des siècles par la  transition de « Ceci est beau » à « Ceci est de l'Art ». Ce que l'on trouve « laid » reste avant tout sujet à un jugement et la définition de beau et de joli, devient erronée. 

Il faut laisser venir l’œuvre pour qu’elle advienne librement.

ESTHÉTIQUE

L’appréciation esthétique se fait dans un contexte donné, à une période donnée. Considérer les Grottes de Lascaux ou les Pyramides de Gizeh avec un regard simplement esthétisant n’est pas neutre : ce regard est marqué par l’époque contemporaine dans laquelle on est.

ESTHÉTIQUE

L’esthétique a pris la forme d’un idéal : l’idéal d’un art pur, autonome, émancipé du « bon goût bourgeois », de la morale, des règles formelles, de la figuration. La liberté des formes, l’affranchissement des contraintes, reflètent la sensibilité d’une époque qui aspire à la liberté et cherche les voies de l’émancipation.

Derrière l’idéal du beau se tient toujours l’idéal du vrai. Et quand bien même il nous semble aujourd’hui que la vérité à laquelle les Babyloniens, les Grecs ou les Mayas consacraient leurs temples et leurs tombeaux, cela n’affecte en rien le sens de leur démarche, l’exigence qui fut la leur, le choix de leurs idéaux religieux. L’art de cette antiquité lointaine nous saisit par-delà les millénaires, parce qu’il manifeste, à travers l’aspiration au divin, un souci transculturel de la vérité. « Le vrai sens des choses, n’est possible que pour celui qui se place à la source même de la beauté, au centre de la nature humaine, qui contemple dans tous les sens, avec le ravissement de l’extase, les éternelles productions dans leurs infinies variétés.

ÊTRE À LA MODE

La question « d’être à la mode ».  Qu’est-ce qui est à la mode, qu’est-ce qui ne l’est pas ? La mode joue avec la « tendance », faite pour exhiber la jeunesse. Etre « tendance », c’est paradoxalement être à la fois dedans et en dehors de la mode. Mais, est-ce que la mode est plus sérieuse qu’un jeu ? La mode n’est-elle pas un moyen de se démarquer de son voisin, de mettre en valeur ses attributs et de revendiquer son appartenance à telle ou telle tribu ? 

La mode n’est rien sans le style. Mais, alors, qu’est-ce que le style ? Coco Chanel disait : « la mode se démode, le style, jamais ». Ou cette citation de Antoine Rivarol (journaliste royaliste, essayiste et pamphlétaire) : « Le style n'est rien, mais rien n'est sans le style ». Rivarol souligne le côté très éphémère des choses, importantes à un moment donné, puis aussitôt ignorées peu de temps après. 

ÉTROITE RELATION

La photographie est en étroite relation avec la sculpture : elle montre des fragments de sculptures antiques organisés dans une mise en scène théâtrale. Un point de vue dynamique se construit dans le viseur pour relier le rêve avec l'expérience objective. L'image se construit en "épaisseur" par addition, par accumulation d’empreintes lumineuses. 

ÉVOLUTION

Comment développer le potentiel créatif, la sensibilité, le processus de création, comment faire aboutir la réalisation de l’œuvre, la question du sens et enfin la perspective temporelle. Parfois les résultats sont rapides et parfois la mise en forme est longue et avance pas à pas. 

ÉVOLUTION DE L’IDÉAL

Mutations sociales, perte de valeurs, crise d’identités, comment rendre compte de l’évolution de l’idéal dans le domaine de l’art ?

La fonction de l’art n’est plus de transmettre des idéaux, mais de les combattre, les idéaux étant dénoncés comme des illusions. L’art essaye, tantôt d’articuler les notions d’égalité et de liberté, tantôt, il combat l’une, au nom de l’autre. 

Les idéaux de fraternité, d’égalité et de liberté, reposent sur un paradoxe : l’égalité renvoie à l’universel et la liberté au singulier. Cette articulation amène à concevoir l’art comme un principe de transformation du sujet, en cherchant à embellir les esprits, instruire et divertir. L’art contemporain des années 1960, hérite de ces revendications contradictoires. Par des voies diverses, il a voulu tantôt transformer la société de consommation, au nom d’une autre idéologie, pour transformer l’individu, au nom d’une liberté qui s’opposait à l’idéal collectif. Cette conception esthétique et éthique de l’art devient un dogme qui sera combattu, au nom de la liberté de l’individu, puis revendiqué, au nom d’une idéologie collective.

EXCROISSANCE

Tailler le bois, trouver la solution devant l'apparition d'une veine est riche en découvertes. Lutter avec le bois, le caresser, le polir, faire surgir la forme que l'on porte en soi. La main pense et unit la pensée à la matière. Une excroissance donne un aspect tacheté et enchevêtré, c’est la loupe. Une disposition ondulée des fibres au niveau de la racine ou des grandes fourches, c’est la ronce. Les loupes, sont les parties attaquées par un champignon, rongées par l’eau. Ces imperfections ont des dessins spectaculaires et intéressants dans la fibre du bois.

EXPRESSION PERSONNELLE

L’artiste cherche à construire et élaborer ce qu’il pense être une expression personnelle. Cette expression est une énergie intérieure qui le pousse à fabriquer, élaborer, se remettre en cause, se surpasser. Chacun veut du « nouveau », comme si l’art était semblable à la mode dans ce qu'elle a de plus changeant, de plus chatoyant et donc de plus superficiel. Il y a rien de nouveau, pas plus qu'il n'y a de progrès en art.

EXPRESSIVES

Mais des musiques peu « expressives » peuvent être esthétiquement bouleversantes : le plaisir d’une fugue naît de la compréhension auditive de l’entrelacs des mille causalités internes qui s’y s’entremêlent et, plus archaïque encore, de la reconnaissance d’un même motif qui revient, plus ou moins transformé, décalé, modulé, comme l’enfant que nous avons été reconnaissait avec émerveillement le retour d’un air familier.

FACETTES

On peut comparer le monde de l’art à un bloc de cristal aux facettes innombrables. Selon sa structure et sa position chacun de nous, voit certaines facettes. Tout ce qui peut nous passionner c'est de découvrir une nouvelle facette, un nouvel espace. L’art contemporain, qui voudrait se débarrasser du beau, peut être beau malgré tout si l’on conçoit le beau, en le distinguant de l’agréable, du joli ou de l’harmonieux.

FAIRE JOLI

Est-ce un critère de qualité que de produire de l'art qui dérange ? Faire « joli », est-ce le contraire, est-ce un critère dévalorisant et péjoratif ? Le label « culture » permet de justifier l’achat d’à peu près n’importe quoi. La question des critères du jugement de goût se pose donc aujourd’hui avec plus d’urgence qu’à n’importe quelle autre époque de l’art.

FIGURATION - ABSTRACTION

La peinture ou la sculpture est dite figurative lorsqu’elle sollicite la capacité de reconnaissance d’une certaine réalité. De l’imitation la plus fidèle d’un modèle à une déformation parfois provocante, la figure apparaît toujours, comme la représentation de ce que l’on voit.  Figurer, c’est invoquer un monde, c’est créer une brèche dans le réel par laquelle les fictions s’infiltrent. L’histoire de l’art est sans cesse présente à cette question entre figuration et abstraction, entre similitudes et dépassements.

Encore aujourd’hui il est difficile de faire un choix entre une représentation figurative ou une représentation abstraite. 

Il y a cent ans, il fallait choisir entre Ingres et Delacroix. Or il ne s’agit pas de reconnaître ce qui est peint mais de reconnaître une peinture. S’y reconnaître, c’est toute la question. Pour la peinture ou la sculpture, et aussi pour toute forme d’art, cette question est critique. 

Le cubisme est l’art de peindre des ensembles nouveaux avec des éléments empruntés non à une vision, mais à un processus. Le peintre Malevitch oppose, par exemple, le figuratif au non-figuratif non comme deux conceptions du monde, qui partent de l’abstrait pour aller vers le conceptuel. 

L’idée que la peinture est figurative est une notion très ancienne. La peinture chinoise n’oppose pas l’abstrait au figuratif comme dans la tradition occidentale. Elle n’a pas cette distorsion entre cette définition et la pratique, car elle a mis la peinture dans la pensée. Dans l’unique trait de pinceau chinois, l’essentiel réside dans la pensée, accomplie par une gestuelle maitrisée. Dans ces conditions, la peinture peut pénétrer l’essence des choses jusqu’à l’impondérable. 

L'abstraction est généralement mise en opposition avec la figuration, mais le sont-elles vraiment ? L’art abstrait est un art qui tente de donner une opposition au réel et d'en souligner les ruptures au lieu d'essayer de représenter les apparences visibles du monde extérieur. 

L'art abstrait se passe de modèle, en s'affranchissant de la réalité visuelle et du mimétisme. L'art abstrait exprime des formes, de la matière et des couleurs pour elles-mêmes. L’artiste ne cherche pas à copier la réalité et se projette dans sa réalisation. La composition peut-être cérébrale, pensée à l'avance, ou bien taillée dans le bloc, dans un geste créatif. 

FONCTION DE L'ART

Comment repenser la fonction de l'art : le but n'est plus de représenter fidèlement la réalité mais de questionner, de critiquer, de révéler autrement le réel, ses contradictions et ses crises. Comment questionner l’art à travers une vision personnelle sur la perception du monde ?

Bien analyser la situation entre l’art et l’artiste, permet d’atteindre l’amateur d’art, celui qui aime être entouré de productions artistiques. Un tableau, une sculpture, un roman ou un poème, une musique, n’appartiennent pas nécessairement au domaine de l'art. Il faut, entre autres, pour que cette appartenance existe, que l'œuvre soit singulière, qu’il en émane une harmonie parfois dérangeante et insolite. Il s’établit alors une correspondance sensible et intime entre « l'objet » et le spectateur. 

Notre perception du monde se fait en fonction des expériences passées et des tendances d’actions opérantes : notre monde est  «subjectivisé ». Nous évaluons les écarts entre les vécus externes et internes. Ces écarts sont fréquemment perçus comme des antagonismes essentiels : le monde externe nous apporte des opportunités, mais il nous apparaît comme obstacle ou comme menace. Le ressentireste fondamental. L’œuvre d’art, qu’elle soit peinture, sculpture, architecture, ou œuvre de mots, elle n'est rien si elle n'éveille  pas les résonances profondes de l’esprit.

FOND

Le fond s’élabore avec des taches, des traces, des coups de brosse. Des coulures apparaissent dans un ordre particulier formant des paysages de peinture. Les fluides et les pigments se coagulent, montrent des tourbillons de matière. La coulure rejoint et soutient la figure par sa présence. Taches, macules, salissures dénoncent un certain plaisir de peindre, puisé à la source de l’enfance.

FORMAT

L’art contemporain se sépare de la culture « standard », qui suppose une codification, un langage homogène commun à une société. L’art « étrange qui dérange », celui qui bouscule les perceptions habituelles, a beaucoup plus de chances d’être remarqué, quel que soit le jugement, positif ou négatif. Dans l'art contemporain, la peinture et la sculpture vont vers le grand format : l’art doit être « grand ». Les « grandes » galeries, sont souvent des anciens entrepôts réhabilités, ayant de la « hauteur », pour accueillir des œuvres ayant des tailles importantes.

FORMES CRÉÉES

La nature ne fait rien en vain. Semblable à un artisan, elle impose des formes déterminées à des matériaux susceptibles de recevoir ces formes. La diversité, la beauté et l'organisation de ces formes ont de quoi confondre l'intelligence. Toutes ces formes créées ne sauraient être l'œuvre du hasard et d'une nécessité aveugle. De même un artiste doit composer avec le matériau qui lui résiste, pour faire surgir une forme née de sa seule pensée. 

FRAGMENTS

Dans cette suite de fragments, le sentiment de tendre vers l’éternité, semble possible, avant que ces fragments ne soit réduits en poussière. L'instantané photographique a été prélevé sur la continuité d'une durée qu'il nous fait apercevoir en négatif et comme si, dans sa fuite, le temps avait oublié derrière lui son ombre.  

La photographie est liée au souvenir comme l’oubli est lié à la mémoire. Ce que les hommes imaginent est toujours marqué par le passé. Ce que l’histoire inventera, aucun être n’est capable de l’imaginer : on peut aller du meilleur au pire. 

FUGITIVE VISION

Devant les stèles du Ve siècle, au musée du Céramique à Athènes, on voit une jeune femme portant un enfant sur ses genoux. La stèle « Ampharété » est dédiée à la mère et à l’enfant. Sur la pierre est gravée, en grec ancien, l'inscription suivante : « c'est l'enfant chéri de ma fille que je tiens ici, celui que je tenais sur mes genoux quand vivants, nous regardions la lumière du soleil. Et maintenant que nous sommes morts tous deux, je le tiens encore ». Sommes-nous comme le souvenir de cette fugitive vision, d’un passé lointain ?

GALERIE

La galerie est le point central, l’articulation entre le « fournisseur-artiste » et le « client-collectionneur ».

Une fois le statut d'objet d'art confirmé, se pose alors la question de sa valeur et celui de son acquisition possible. Une œuvre d'art étant unique, la rareté rend plus cher un objet convoité. Un artiste connu dont la cote s'est maintenue pendant des décennies reste une valeur sûre. Les techniques modernes reproduisent aisément les peintures et les sculptures, facilitant leur diffusion, mais, avoir en sa possession, une œuvre originale est d'un autre intérêt, d'une autre « saveur ». Ce n'est pas la valeur de l'objet aimé qui gouverne : c'est la séduction qui donne de la valeur à cet objet.

GESTUELLE DU PINCEAU

La disposition du négatif photographique sur le blanc du papier est matérialisée par des repères qui vont délimiter la gestuelle du pinceau. Les contours existent dans un premier temps, puis la trace peinte vient s’y placer, et enfin l’image apparaît dans le périmètre ainsi délimité. Le résultat plastique est un jeu entre les limites et les frontières, entre le blanc et la couleur, entre la forme et le fond, entre l’empreinte et la trace, entre l’apparition et la disparition. 

GISANT

Le buste rehaussé de blanc s’incline en avant sous la pression de la fracture. Son œil est un œil aveugle à ce moment précis où le deuil s’accomplit : il est toujours fermé. L'autre œil s’est déjà enfoncé dans la nuit. Le gisant veut s'élever au-dessus du monde pour connaître une autre vie. Le trait de la cassure se déplace dans le plâtre. Il conserve la double hésitation de l'obscur et du clair, de l'opaque et du transparent, du convexe et du concave : cela lui confère une sorte de battement. Le moule se transforme en stèle : il est le souvenir de la présence d’un corps qui a été là.

GISANT

Le « Gisant » évoque un rituel ancien : l’appel pour la venue dans le monde des vivants. La prise d’empreinte aplatit le corps sur le sol : elle devient une «prise d’attitude». Dans le jour déclinant, le corps qui s’amenuise. L'acte photographique fait participer la perspective du gisant dans un jeu de reliefs. Il y a ici d’un côté le spectateur et de l'autre, l'aspect du corps qui repose, autrement dit le spectacle. C’est le corps qui se donne à voir : il apparaît un bref moment et se fige dans une attitude de repos. La photographie permet de faire transiter le mouvement, le dehors, vers le monde des ténèbres, de la pétrification, le dedans. Ensuite la lumière apparait dans le blanc du papier, grâce à la chimie qui la rend visible au développement. Les êtres apparaissent puis disparaissent, leur ombre s'efface et leur image est condamnée à l'effacement, empreintes dans le sable, traces périssables de notre environnement, de nos souvenirs. Ainsi ce n'est plus la terre qui absorbe et efface le passage des hommes, mais le souffle léger du temps qui les enveloppe. 

GOMME BICHROMATÉE

Technique qui donne des résultats techniquement à mi-chemin entre la photographie (par la propriété de révéler un négatif sur un support) et la peinture (par l’introduction de pigments). Elle est utilisée par les Pictorialistes au 19e siècle qui l’apprécient pour ses qualités esthétiques, proches du dessin et de l’aquarelle. Cette technique ne possède pas le caractère facilement reproductible du tirage photographique au gélatino-bromure d’argent et possède ainsi un caractère d’unicité. Les épreuves se conservent bien car l’humidité ou l’acidité de l’air ambiant n’agissent pas sur l’épreuve. Les images produites sont réalisées sur un support papier dont le format sera déterminé par l’image. Les images sont juxtaposées et montées à la façon de la bande dessinée pour évoquer une histoire. La particularité de cette composition plastique est un jeu relationnel entre la forme déterminée par l’image et l’histoire du quotidien que l’on veut évoquer.

GORGO

Gorgo est aux portes de l’Hadès : elle symbolise la limite entre la lumière et l’obscurité, entre l’ordre et la raison, entre la folie et le chaos. C’est un corps dont il manque la bouche. 

GOÛT

Le goût ne prend pas du tout la forme d’un progrès universel qui irait vers le « bon goût ». Rien, dans les jugements de goût de nos contemporains, dans leurs modes de consommation de l’art, ni dans les productions artistiques d’aujourd’hui, ne permet de repérer un progrès en la matière.

Kant voyait dans le sentiment du beau un « accord spontané des facultés », qui se faisait naturellement en chacun, et universellement. C’était sans doute faire une part trop belle à la nature humaine, car le goût requiert de l'éducation.

GRÂCE

Dans certains moments privilégiés, on peut travailler pendant des heures. C’est alors que vient la grâce, celle qui vous surprend toujours, parce qu’elle vous illumine. La fatigue rompt les résistances intérieures, celles du «conscient », et alors une sorte de fleuve vous emporte. On peut en oublier l’heure, résister au froid ou confondre le jour et la nuit.

GRADIVA

La Gradiva est une figure mythique, une Euménide, une Bienveillante. Ce nom emprunté au livre de Jensen, puis analysé par Freud, désigne l'image de l'être aimé. Sur le site de Pompéi l’archéologue aperçoit soudainement la Gradiva, figure de celle qu’il aime sans le savoir. Elle est perçue comme une personne réelle. Pour prolonger l’illusion et ne pas se réveiller, le rêveur, tente de rapprocher son rêve à la réalité.

GRAINS

Une épreuve photographique, est constituée de grains ou de points dont la multiplicité, si grande soit-elle, est exprimable par un nombre fini. 

GRAND ART

La confusion règne au sein de la vie artistique et il devient de plus en plus difficile de comprendre et d’apprécier les différents niveaux artistiques entre les arts faibles, les arts moyens et le « grand art ». 

Les artistes de talent ont toujours pratiqués depuis l’enfance et tendent vers une représentation forte de leur art. Par contre celle des peintres se « découvrant » une aptitude artistique après une vie professionnelle, est bien différente et leur production manque souvent de force et d’originalité. 

L'art peut synthétiquement se concevoir comme une pyramide, et le sommet de cette pyramide, c'est le grand art ayant une beauté intellectuelle, et une force expressive. Il y a un monde, entre le peintre qui ne peut jeter sur la toile que quelques informes taches de couleur, et celui qui sait y déployer plastiquement une idée, un sentiment, une émotion.

GRIBOUILLAGE SPONTANÉ

Gribouillage spontané, l’action même de dessiner n’est pas forcément plaisante, et il arrive que le résultat déçoive. C’est l’obligation même de produire un résultat plaisant, qui empêche l’action d’être une jouissance pure. 

Il faut se rendre compte que le trait visible sur la feuille, dans le contour de la mine en graphite, s’apparente à l’escrime dans l'acuité de son incision.

Dessiner, c’est former des traces, des lignes dynamiques qui incitent à trouver des images pour l’appropriation du réel. Comment saisir l’essence de la réalité, comment franchir ce fossé infranchissable ?

Le dessin combat la désintégration des choses dans une durée. L’apparence se fige, le crayon trace les contours. Le trait du dessin montre la forme extérieure du modèle ainsi que son essence intime. Quels liens secrets peuvent bien se tisser entre le dessinateur et son modèle ? Que restera-t-il de cet affrontement silencieux sur le papier ?

Le dessinateur expose sa vision, dont la portée symbolique est liée à l’acte graphique. En transformant une part de la réalité extérieure, le dessinateur transforme également des contenus intérieurs : l’événement dépasse alors la simple expression. 

HABITUS

Habitus, manière d'être, aspect extérieur, conformation physique, attitude, contenance, dérivé du verbe habere, avoir, posséder, être maître de. C’est aussi l'allure générale, la tenue, la disposition d'esprit. L'habitus est une certaine vision du monde qui permet de s’exprimer à travers l’art. Par contre l’habitude est ennemie de la créativité.

HOMO FABER

L’homo faber, est un dépassement humain, qui apparaît de manière évidente dans le geste du sculpteur, à travers les mutations qu’il impose aux matériaux. Il poursuit ainsi la création de formes qu’il exprime dans l’espace. La masse de la sculpture prend sa présence dans une stabilité absolue : elle se donne comme éternelle, hors du temps, toujours semblable à elle-même.

HUBRIS

En tant que « syndrome », l’hubris est une inclination narcissique à voir le monde prioritairement comme une arène où l’on exerce son pouvoir et  où l’on recherche la gloire.

C’est :

- un souci disproportionné pour l’image et l’apparence 

- une confiance excessive en son propre jugement 

- un mépris pour les critiques et les conseils d’autrui. 

La plupart des artistes connus sont envahis par l’hubris. Les élites ne se préoccupent plus que de leurs intérêts.

ILLUSION

Depuis Marcel Duchamp, le discours prend une place de plus en plus importante. Dans le domaine de l’art, l’illusion est très présente. Pour Schopenhauer : « L’art est contemplation des choses, indépendante du principe de raison, source de joies ou de grandes déceptions. » 

L’illusion est une sorte de satisfaction imaginaire née d’un désir. Si le désir ne se satisfait jamais complètement du réel, vivre sans illusion suppose que l’on renonce au bonheur. À quoi bon rêver le meilleur si l'on n'est pas capable de combattre le pire?

ILLUSION

On pense que le progrès va résoudre tous les ennuis quotidiens, toutes les souffrances du monde. Mais, non, non et non. Il n’en est rien. Tout n’est qu’illusion. Et pourtant il faut de l’illusion et de l’espoir pour avancer. On pense trop souvent que c’est mieux autrement, que c’est mieux ailleurs. C’est ce qui fait courir et travailler les artistes à travers le monde. 

ILLUSTRATION ET BEAUX-ARTS 

Les dessins, les peintures et les sculptures ayant une créativité réfléchie et aboutie sont considérées comme des beaux-arts. C’est la façon dont un artiste travaille pour donner vie à une démarche qui le préoccupe à travers son travail. Il produit des œuvres conçues pour exister, pour être montrées à un public de connaisseurs, pour être vendues aux enchères ou pour être conservées dans un musée. Une œuvre est censée être unique. Des impressions peuvent être réalisées, mais les reproductions n'ont pas du tout la même valeur que l'original. Il a un élément d'exclusivité qui augmente la valeur perçue.

Certains plaident pour que l'illustration soit de l'art et d'autres s'y opposent. Le style de l'œuvre d'art ne la distingue pas toujours comme une œuvre d'art ou une illustration. De nombreux illustrateurs de la période art déco et art nouveau se sont inspirés des styles orientaux. 

IMAGE LATENTE

Le photographe détaille une image difficile à atteindre et se rapproche de sa compagne : être féminin qui serait le double de lui-même. La photo capte une infime partie du temps, quelques fractions de seconde, pour en faire une image latente en passe d'être révélée. Le format d’une image place le regardeur dans un rapport physique avec le corps : plus le format est grand, plus l'effet de présence spatiale sera marquant.

IMAGINATION

Comment trouver la faculté imaginative, le pouvoir d'invention où l'imagination se donne libre cours sans souci des règles formelles ? L’imagination, alors, devient libre, sans contrainte ni règle et aboutit à la création.

IMITER

Imiter en art, ce n'est pas copier servilement la nature, c'est construire des procédés esthétiques au service du regard. Dans de nombreux cas, les imitateurs se croient originaux en imitant. 

IMPALPABLE

L’image permet de révéler la dimension physique et métaphorique du portrait. L’image matérialise, condense et précipite la lumière, retient du réel une ossature lumineuse. Le dessin, comme la photographie, possèdent le pouvoir de matérialiser l’impalpable. Le dessin comme la photographie fixent le fugace, des instants de vie, pour n’en laisser qu’un écho visible perpétuant les vibrations du passé.

INSTALLATION

L’installation commence dans les années 60-70 et se caractérise par l’occupation éphémère ou pérenne d’un espace donné pouvant être intérieur ou extérieur. Différentes techniques d’expression et de représentation, comme la mise en espace de peinture, de sculptures ou d’objets, reviennent le plus souvent. Parfois la participation du spectateur est sollicitée affirmant ainsi le rôle du regardeur de manière dynamique. L’installation ne sollicite pas seulement le regard, elle est souvent immersive : elle enveloppe le spectateur dans un espace imaginaire et lui propose des expériences sensorielles nouvelles.

Dans le domaine des arts visuels contemporains, on remarque des installations, des environnements, des dispositifs multimédia, qui enveloppent le spectateur dans des expériences multi-sensorielles. La « beauté » n’a plus de place dans cette esthétique contemporaine. Un panorama de l’Art de la fin du 20e siècle et des vingt premières années du 21e siècle, montre que la beauté est devenue moindre. Le beau n’est plus au centre de la question.

JUGEMENT DE GOÛT

Comment le jugement de goût, qui semble subjectif, pourrait-il être fondé objectivement et justifié universellement ? N’est-ce pas attribuer à un objet des vertus ou des qualités qui n’ont de sens que pour un sujet. Il est nécessaire de trouver des critères de jugement esthétique qui combinent ce qu’il y a de vrai dans la sensibilité subjective, et avec ce qu’il y a de vrai dans la vision objective. Qu’est-ce qu’un jugement esthétique lucide, et comment en préciser les critères ?

JUGEMENT DE QUALITÉ

Tout n’est pas de qualité égale en matière esthétique, quoiqu’il n’y ait pas de norme transcendante, ni universelle du Beau. Il faut trouver des critères immanents à l’activité du jugement, des valeurs qui engagent l’humanité de l’homme. Certaines œuvres s’adressent à ce qui est vil, commun, banal, facile à émouvoir. Il faut opérer un dépassement de la naïveté première, taire les instincts, au profit d’une attention exigeante, qui sollicite la liberté et la réflexion.

JUGEMENT ESTHÉTIQUE

Le jugement esthétique ressemble à une sorte d’idolâtrie doublée d’anthropomorphisme : on imagine dans l’objet des qualités sensibles et spirituelles. Cette projection, cette humanisation des choses est une illusion qui perdure.

JUGER

Le jugement est précisément ce que requiert la pensée vivante, qui ne se contente pas de déduire logiquement, d’appliquer une méthode préétablie. La beauté naturelle et l’œuvre d’art, font appel au jugement.

KINTSUGI

Le Kintsugi s’inscrit dans la pensée japonaise du « Wabi Sabi » 

Wabi : humilité face aux phénomènes naturels ; 

Sabi : ce que l’on ressent face au travail du temps ou des hommes) qui invite à reconnaître la beauté qui réside dans les choses simples, imparfaites, et atypiques. 

L’AGRÉABLE, LE JOLI

Le vrai est beau s’il est perçu avec justesse et mesure, car la vérité apaise. L’œuvre est vraie pour être belle et procure quelque joie pour l’esprit. L’agréable, le joli, le plaisant nous confortent dans notre état, tandis que la beauté nous tire du sommeil et nous éveille à quelque chose de grand.

LABORATOIRE

Le laboratoire est aussi un autre lieu privilégié, dans lequel on passe à la réflexion, endroit différent de l’atelier. L’obscurité du laboratoire est ponctuée seulement par la lumière rouge ou jaune-vert plaquée au mur. Le dessinateur songe que la chambre noire et le travail photographique figurent l’attache à l’atelier, au logis, au lieu où l’on aime être, au lieu narcissique. Ces différents lieux permettent d’aborder le monde des images. La chambre noire possède une porte qui peut être ouverte ou fermée. Celle-ci possède une serrure, une clef, et une serrure où l’œil peut se placer. Elle est une fenêtre qui s'ouvre sur le monde pervers, sur un monde à l’envers. 

LAIDEUR

Il est de plus en plus difficile de soutenir que notre monde est plus beau que celui qui l’a précédé, tant sont évidentes les dégradations et les destructions, dans le milieu urbain aussi bien que dans le milieu naturel. 

La laideur devient une marée noire qui submerge le monde et met les hommes dans un état de tristesse qu’ils chercheront à chasser par des états d’excitation artificiels ou par la visite des musées des capitales européennes, à la recherche de la beauté. Dans ces grands musées, l’individu recherche les caractères et les critères de beauté des penseurs classiques, la splendeur où les Grecs développaient une beauté disparue.

LAISSER LA FORME

Il faut laisser la forme venir à soi, laisser l’objet rencontrer le sujet, donner à l’objet la liberté de se manifester pour lui-même. Certains seront attentifs à la matière d’une forme, d’autres à la couleur ou à la texture, certains au sens auquel elle renvoie, d’autres à la distance avec laquelle il faut la regarder.

LIBERTÉ

Le beau élève l’esprit et affine les sentiments. L’acte de dépasser sa condition dans une aspiration à la liberté, est une dimension irréductible de l’existence humaine, liée à la sensibilité esthétique. 

La liberté artistique consiste aujourd’hui, à se dégager des idéaux dictés par le goût général, afin que l’artiste puisse trouver sa « vérité ». Dans un souci de réalisme, nombre d’artistes abandonnent la représentation (tableau ou sculpture) et exposent des objets réels : Niki de Saint Phalle accumule des bric-à-brac de ferrailles, César compresse des déchets industriels. Avec ses « accumulations » d’objets usés, Arman veut montrer des « tranches de vie ». Ce sont également des objets réels, représentant des « tranches de vie », que les artistes mettent en scène, dans ce qui est convenu d’appeler installations !

Lorsque le discours ambiant témoigne d’une idéologie forte, l’artiste, soit se sacrifie à la cause commune, soit se révolte contre ce qu’il ressent comme une aliénation. Pour lutter contre celle-ci, il revendique une liberté singulière à travers son travail. C’est le principe de l’art.

LIEU AIMABLE

Le « lieu aimable » ou « locus amoenus », est un lieu entouré de parties ombragées, de bois, de fraîcheur, de nature, de palmipèdes qui évoluent sur le plan d’eau. C’est un lieu éloigné des éléments parasites, un lieu amène, un lieu idyllique, idéalisé. Dans l’air du locus amoenus, flotte une odeur de fleurs fanées, de prairie humide ou de foin coupé. Le locus amoenus est propice à la contemplation.

LIMITE DE PENSÉE

Pourquoi dans notre type de civilisation une majorité de personnes aspirent à travers le toujours plus, à l’infini, à l’infinitude ? Il a dans l’être humain une incapacité à accepter toute limite de pensée et d’action. Dès qu’une limite spatiale ou mentale s’impose à nous, nous imaginons aussitôt pouvoir aller de l’autre coté au-delà de la limite. L’idée de limite implique aussitôt l’idée de dépassement. La fin du terme suppose immédiatement le dépassement du terme, pour aller vers l’au-delà de la limite. Hegel parle du mauvais infini, cette représentation de l’infini qui n’a pas de terme. A ce mauvais infini s’oppose évidemment le bon infini contenu dans une limite. 

LOINTAINS

Les « lointains » du peintre sont bleutés, parfois brumeux. Ils décrivent un espace immobile. Les lointains du photographe sont flous. Ils nous "échappent" comme le passé lui-même. Or les uns et les autres sont construits. Le "lointain" n'est pas une donnée naturelle de la vision qui, quant à elle, franchit virtuellement la distance à parcourir.

MARCHANDISE

Les commissaires de certaines expositions d’art contemporain, sous couvert de valeur pédagogique, veulent faire croire qu'il n'y a pas d'autre réalité que leur vision artistique et marchande. La transmutation de l’art en marchandise et de la marchandise en art, génère des expositions monumentales, qui saturent les espaces d’exposition. A ces formes d’enlaidissement, depuis l’urinoir de Duchamp, s’ajoutent une esthétique de l’objet servant à faire tout accepter.

MARCHANDISE

A la fin du XIXe siècle le poète anglais William Morris, faisant lien entre laideur et servitude, écrivait ceci : « quand nos sens ont été émoussés par trop de violence et nos désirs neutralisés par de grossières sollicitations, il ne reste aucune place pour la contradiction ni la révolte ». 

A partir des années 1990, l’image numérique devient la proie de la finance, permettant la transmutation de l’art en marchandise et de la marchandise en art, grâce à des « effets publicitaires ». Ces effets donnent l’impression d’un bouleversement sensible, et la stupéfaction suspend toute réaction critique. 

MATIÈRE ÉPAISSE

Un exemple : Eugène Leroy, accumule une matière très épaisse et granuleuse, évoquant la croûte, une concrétion de matière solidifiée qui aurait enseveli le portrait. Le résultat semble être la cicatrisation d’une blessure, protégée par une carapace. Jean Clair disait : « Leroy saisit non la ressemblance mais au contraire l’indéfini, l’insaisissable, l’imprévu. » La croûte d’ Eugène Leroy, est une gangue pétrifiante, une accumulation de strates épaisses, un chaos d'empâtements extravagants pour représenter aussi bien tout sujet : portraits, nus, paysages. Couche après couche, l'image est enfouie sous la matière pour parvenir à une occultation presque complète. 

En sculpture, la croûte peut être un agglomérat de matière surnuméraire, notamment chez Rebecca Warren ou Cameron Jamie. Leurs évocations de corps ne sont plus qu’une croûte géante. On peut se demander alors, quelle est la dimension poétique de cette recrudescence de chair malmenée ? Chez Dubuffet ou Fautrier, la croûte n’est plus humaine mais végétale. Elle devient écorce chez Fautrier, rappelant le rôle de protection, d’enveloppe de la croûte. Tandis qu’elle est proprement croûte terrestre chez Dubuffet, dont les œuvres matiéristes évoquent le grumeleux de la terre et les aspérités des minéraux.

Ces figures, maculées de peinture, encore vaguement distinguables, rappellent les statuettes africaines de type Dogon dont l’usage rituel voulait qu’elles soient recouvertes de libations à base de bouillie de mil et de sang. Avec le temps, ces statuettes sont recouvertes d’une patine croûteuse qui enrobe la forme et gomme ses reliefs. 

MÉDUSE

Méduse appartient au monde de la nuit, aux portes de l’enfer. Méduse produit un effet d'épouvante quand elle se donne à voir, car elle pétrifie celui qui se trouve dans le faisceau de son regard. Elle est la représentation de la puissance guerrière : Athéna la porte sur son bouclier. Ici Méduse est présentée de profil, son œil terrible s’enfonçant dans la nuit. L’oreille dilatée se substitue à la fonction du regard, entonnoir, trou béant qui engloutit ce qui se trouve à sa portée. Les cheveux sont un magma de serpents pétrifiés. Quiconque s’approchera sera transformé en pierre. 

MÉLODIQUE

Dans la musique polyphonique, la ligne mélodique et la superposition des voix (accords) sont des évènements plutôt imprévisibles alors que l’interaction entre voix (canon) est plus prévisible. La musique atonale établit de nouvelles règles de prévisibilité en rejetant la causalité fondée sur les gammes de la musique classique. Cela s’apparente au rejet du figuratif par l’art abstrait. 

MÉMOIRE

L'art est confronté à la mémoire et l'artiste perpétue concrètement le geste primitif qui préside à la trace et à l'empreinte, le geste fondateur de l'origine de l’art. Nous construisons des traces, des effets de constructions vers un destinataire, qui les perçoit comme des effets cognitifs, esthétiques, émotionnels. Les êtres disparus, sont présents à travers cette nouvelle forme d’existence, celle de la trace de l’ombre. La mémoire, que sous-tend la poétique de la trace, est la mémoire des ombres.

MÉMORISER

La photographie possède un étrange pouvoir : celui de fixer, de mémoriser ce que notre mémoire elle-même est incapable de retenir, c’est-à-dire l’image de quelque chose qui a eu lieu, qui a pu exister dans une fraction infime du temps. Avec le temps qui s’écoule, ce témoignage, à son tour, finit par sombrer dans l’oubli. La photographie est là pour saisir et garder la trace de ce qui a été et ne sera plus jamais. Elle garde en mémoire le champ couvert par le regard en une fraction de seconde. Le temps du « déclic », elle perpétue l'écho d'une vie. 

MÉRITER

Quel dommage de savoir que dorment dans les fonds d’ateliers, de caves ou de greniers de surprenantes œuvres qui ne seront jamais vues ou acquises ! A l’inverse, certains artistes qui exposent leurs œuvres dans des lieux prestigieux, ne méritent pas toujours que l’on s’y attarde.

MIROIR

Le miroir contrairement à la photo, ne conserve pas les images : il les efface. La photo fixe les mêmes images et ne retient qu'un instant fugace. Portrait et auto-portrait fixent la vision partielle du sujet représenté.

MISE EN SÉRIE

La variété s’exprime dans une dissemblance visuelle et une mise en série, afin d’exprimer un style unique et de le décliner en une série cohérente. L’ordonnance et la cohésion du style font l’unité de l’œuvre. Une œuvre montrant de l’unité est plus propice à émouvoir qu’une idée artistique réalisée d’une façon compliquée. Le complexe, qui élève l’esprit et le requiert est bien différent du compliqué, qui embrouille le regard et l’esprit.

MODÈLE

Au-delà des codes de représentation du beau idéal, le nu féminin suscite une approche complexe de formes, de lignes et de sensualité. C’est aussi le mirage d’une silhouette qui disparait dans un évanouissement poétique. La lumière absorbe l’objet de tous les délices : le modèle nu. Le modèle n'est pas là pour provoquer : ses formes sensuelles se dissolvent dans une disparition immatérielle. Tout est silencieux. Le peintre saisit la forme par le trait et la couleur par le pinceau. Elle est modèle, il est dessinateur, tous deux sont hors du monde. Il se tient face à elle, trace une ligne et inscrit son attitude sur la blancheur du support. Elle est comme Narcisse dont l’identité s’inscrit à travers le dessin de son image. La subjectivité exerce son action sur l’artiste qui se joue des interactions intimement enchevêtrées.

MONDE EN QUESTION

Si le monde de l’art échappe à la compréhension, ce n’est pas qu’il manque de sens, c’est qu’il y a trop de données. L’artiste a le sentiment de vivre au sein d’un chaos, d’être le jouet du destin qui l’englobe et le dépasse, car il lui est impossible de comprendre l’ensemble de tant de créations artistiques. 

Ainsi ayant le sentiment d’être dépassé, l’artiste possède la capacité de remettre le monde en question. Et c’est ce qui fait sa dignité. Si l’art ne signifie rien, par excès de sens possibles, l’individu perçoit un sens à travers le geste de l’artiste. Et c’est en cela, que l’art est plus fort car l’artiste peut devenir le transformateur de l’invisible à travers une création ou une invention.

MONDIALISATION

Le paysage contemporain de l’art est aussi divers qu’éclaté, et peut être aussi médiocre que passionnant. Il faut bien reconnaitre et constater la mixité artistique, où coexistent différents styles, cultures et régimes temporels. Apprécier l’art, nécessite d’avoir une vision assez large tout en étant critique.

MOULAGE

Les corps raccourcis et déformés se protègent l’un, l’autre. Ils sont figés dans l’attitude du sommeil. Les corps s'impliquent dans la matière. La forme plane s'ouvre et se creuse, tandis que la forme en creux s'abîme et s’enfonce : le volume s'évide et l’aplat devient relief. 

MOULAGE

Le latex, coulé dans le moule, est un « lambeau » qui contient, en creux, l’image du corps. Le lambeau est perçu comme un bout d’étoffe déchirée ou de chair arrachée. En grec le fragment c’est le klasma, l’apoklasma, l’apospasma, le morceau détaché par fracture, l’extrait, l’action de quelque chose d’arraché, de tiré violemment. Le lambeau désigne à la fois une loque de tissu et un débris de corps. Le lambeau unit la ruine au fragment. Le morceau arraché, reste de ce qui subsiste, construit une osmose de figures brisées.

MOULAGE

La lumière solaire frappe la fenêtre : l’ombre portée du barreau bâillonne la bouche dans une mutilation symbolique et phagocyte la partie supérieure du visage. Le visage se décompose et se laisse dévorer par une bouche d'ombre. C’est un clin d'œil qui s'enfonce dans la nuit. La tête aux cheveux en «cristaux de glace» est détachée du corps par le cadre photographique. Elle voudrait parler mais la noirceur de l’ombre l’empêche de s’exprimer. Sa parole est pétrifiée.

MOULAGE

Le moulage produit des indices : il est le résultat plastique d’un corps qui a été là. Le moule permet de voir le corps sous un aspect différent et de «saisir» visuellement les parties en creux. Les corps gisent couchés sur le sol de l’atelier : ils sont déformés par la perspective. La stature triangulaire donne assise et pérennité : elle garde le temps qui passe, d’une présence fixe et éternelle.

MOULAGE

Les moulages sèchent, posés verticalement contre le mur. Ils sont peints, grattés, marqués d’une trace par un outil, puis photographiés. Quand toutes les possibilités concernant les formes de l’empreinte sont exploitées, quand toutes les dispositions possibles sont réalisées, le moulage est détruit. Reste pour tout témoignage de leur présence, la trace photographique. Le moulage du corps humain noue des liens étroits avec la photographie.

Le corps est une matrice, un poids qui s’enfonce dans le moule, une figure attachée au corps lui-même. Tel un fantôme effacé de l'image du réel, il devient la preuve flagrante d'un manque et se transforme peu à peu en icône.

Le moulage noue des liens étroits avec la photographie et les deux techniques sont associées. Comment préserver ce qui va disparaître à tout jamais ? Le moulage sur nature est une forme d'écriture qui participe à cette vision de dislocation et de fragmentation pour aboutir au renouvellement d’une expression plastique propre. 

MOUVEMENT

Comment représenter le mouvement en peinture, en dessin ? La danse est une démarche qui questionne le modèle dans son rapport au mouvement. Le danseur recherche des poses en déséquilibre dans une attitude dynamique. La danse représente aussi la fragilité de la nature, une fragilité menacée. Le dessinateur concentre son regard sur la splendeur de l’attitude, afin de s’émerveiller de cette beauté éphémère.

Dans le mouvement de la danse s’inscrivent le silence et l’absence que le dessin saisit dans l’instant.

MUSIQUE

En musique classique, c’est souvent la part de l’interprète, de ses pauses ou accélérations insensibles, ses crescendo et decrescendo, ses accentuations, en somme sa manière de « phraser » comme un acteur « met le ton ».

MUSIQUE

La musique est l’art le plus abstrait et qui a le plus d’effets concrets : avec des sons, rien que des sons, il met les hommes en transe ou les fait marcher au pas, il nous fait danser ou pleurer d’émotion. Justement parce qu’il est l’art des sons. L’univers sonore est en effet d’emblée émotionnel, parce que la fonction naturelle des sons, pour l’être vivant, est une fonction d’alerte. Ils l’informent sur ce qui se passe, ils éveillent à chaque instant son système d’alarme biologique. Ces changements permanents de l’état du monde sont la source de toute émotion.

MUSIQUE

La musique, c’est quelque chose que l’on admire. Parler des arts, ce n’est pas désigner une tendance générale de l’esprit humain, mais observer ce que les artistes offrent à notre admiration.

MUSIQUE

L'analyse des indices électrophysiologiques montre que la musique ne provoque pas simplement des sentiments abstraits, mais qu'elle déclenche des changements d'activité au cœur même du cerveau. Certaines émotions semblent plus fréquemment associées à des modifications physiologiques spécifiques.

MUSIQUE

L’émotion proprement esthétique, quant à elle, est celle qu’une musique nous provoque, parfois, lorsque nous nous contentons de l’écouter pour elle-même. Elle est suscitée en nous par ce que nous entendons en elle – par exemple par ce qu’on appelle, d’un terme trop vague, sa « beauté ». Souvent les deux types d’émotion, qualifiée et non qualifiée, se mêlent : on entend avec délectation qu’une musique belle est triste. C’est le délicieux plaisir des larmes.

MUSIQUE

La musique est présente dans toutes les cultures humaines (sûrement depuis le Paléolithique moyen) et chez tous les enfants depuis leur plus jeune âge. Tous tapent en rythme avec un bâton, tous dessinent des bonshommes. La musique est un besoin universel de l’esprit humain. C’est cela l’essentiel : là où il y a de l’humanité, quelle qu’elle soit, il y a de la musique. De la « Danse des canards » à l’Art de la fugue ! Bonnes ou mauvaises, c’est une autre question, nullement secondaire, mais seconde. 

MUSIQUE

Pour beaucoup de compositeurs et pour la plupart des auditeurs, le propre de la musique est d'être expressive. La musique renvoie à autre chose qu'aux sons et aux architectures sonores qui la composent : elle nous plonge dans un état psychologique et physiologique spécifique, qui ne se confond pas avec l'excitation sensorielle produite par les signaux acoustiques et qui se différencie clairement de l'état psychologique déclenché par les autres stimulations sonores de l'environnement.

MUSIQUE

L’analogie entre musique et évènements audibles serait celle existant entre images et choses visibles. L’analyse est menée en distinguant la représentation de la reproduction et de la ressemblance pour conclure que la musique est un art imitatif et représentatif d’objets spécifiques auquel chaque auditeur est plus ou moins sensible, en fonction de son imagination qui supplée à l’absence de perception visuelle. La musique serait donc une (re)présentation performative (en faisant être ce que le musicien a créé ou improvise) d’un monde idéal d’évènements purs.

MUSIQUE ET SCULPTURE

Depuis l’enfance j’éprouve le besoin de m’exprimer au travers de la musique : je joue chaque jour du piano en suivant les notes de la partition qui défilent sur l’écran de l’ordinateur. Par ailleurs, je tente de suivre à travers la musique les mouvements de la sculpture, jusqu’à en comprendre le sens et la logique avec le cœur.

NATURE GRANDIOSE

Face au spectacle d’une nature grandiose et qui semble éternelle (ciel étoilé, désert, ravin, mer déchaînée, etc.), qu’avons-nous à éprouver, sinon cette effroyable tension de puissance et d’impuissance que nous évoquions ci-dessus ? Les spectacles inhumains nous font éprouver la vérité paradoxale de la condition humaine : vitalité vulnérable mais orgueilleuse, liberté fragile mais farouche, élan irrésistible vers l’idéal mais sur fond de désespoir et d’absurdité.

NOSTALGIE

Nature morte, monument, paysage, souvenir de vacances, portrait d'aïeuls... image d'art, carte postale ou cliché jauni dans l'album de famille, une photo est toujours chargée de nostalgie, et c'est parfois le naïf cliché d'amateur qui nous touche le plus, nous évoque le mieux notre condition, cette miraculeuse nécessité de notre existence qui, pourtant, ne tiendra jamais qu'à un fil. 

OBJECTIVITÉ

Comment attribuer à l’objet perçu les qualités de la perception, et à juger que telle ou telle œuvre d’art est belle en soi. C’est l’illusion de l’objectivité. Tout jugement de goût qui objective le beau est une agréable illusion. Non seulement la beauté n’a pas d’objectivité, mais le jugement de goût est relatif. C’est une autre illusion de fonder le jugement esthétique dans l’universel, l’atemporel ou le rationnel.

En plus de ressentir du plaisir au contact de tel ou tel objet, nous avons tendance à le juger appréciable, désirable, bon, beau, en lui-même. L’affection intime ne nous suffit pas : nous cherchons à la fonder dans sa cause objective, dans l’objet qui l’a provoquée. Nous sortons volontiers de nous-mêmes pour affirmer haut et fort : « c’est beau ! ». La beauté semble alors une propriété de la chose même, et nous ne ferions que recevoir cette qualité venue du dehors. 

Mais que signifie « bien juger » ? Ce n’est pas le fait de constater, c’est créer aussi du relief dans l’être, en étant juste face à ce qui est jugé. Juger n’est pas seulement édifier des normes pour son usage personnel. Juger, c’est poser un système de valeurs, de telle sorte que cette hiérarchie est le résultat d’une façon de réagir aux agents extérieurs. La difficulté est de trouver de la justesse dans le contextuel, et de l’universel dans le relatif. 

Le jugement esthétique est un jugement sur la valeur intrinsèque d’un objet, sur son aptitude à provoquer le sentiment du beau.

ŒUVRER

Comment « entrer » dans l’espace d’une œuvre, picturale ou sculpturale ? Cela questionne le spectateur/visiteur comme l’acteur/auteur. Le visiteur entre par le regard lorsqu’il s’agit d’une surface accrochée au mur, ou par le déplacement du corps lorsqu’il s’agit de pénétrer dans l’espace de la sculpture. 

Une œuvre d’art produit de l’émotion au spectateur qui la regarde. Cette émotion est suivit d’un effort de la pensée qui donne sens à ce qui vient d’être vécu. Ce processus mental se termine par l’élaboration d’une prise de position, puis d’un jugement. Le regard est un lieu où se côtoient, se mélangent, se parlent, l’intime et l’émotion, pour lui donner forme dans les résonances du vécu. 

OMBRES

Les ombres ont été les premières images : des proto-images. En tant que projections elles constituent les exemples magiques d’une mise à distance du monde, d’une représentation possible du monde. Les ombres ont ouvert la voie à l’homme naissant pour la projection de son monde intérieur. Dans les cavernes, les ombres portées par la lumière des flambeaux, sont devenues des images qui s’éveillent sous le geste du créateur et qui maintenant, nous émerveillent.

Dans la légende de la fille du potier de Sycione, il est question d’ombres, de lumières, d'instants immobilisés, immortalisés et fixés. Malgré l'écart de technique entre l'acte de modeler une ombre avec de la terre et celui de saisir une attitude avec une surface sensible à la lumière, le processus reste identique. Les moments privés et intimes sont propices à la mémorisation de l'instant, comme le départ du fiancé, qui part pour un long voyage et dont la fille du potier de Sycione veut garder la trace sur le mur, par amour. Ce récit inscrit l’ombre et l’absence de l’être au cœur du processus de constitution d’une image. L’ombre n’est pas seulement une absence, mais une mise en présence d’un être absent. 

Au fondement de l’image photographique, l’ombre est la conséquence du passé. Cette ombre est fondatrice d’une entité nouvelle, un « toujours déjà perdu » cher à Baudelaire. La photographie fait émerger de nouvelles figures du visible et de l’invisible, elle redéfinit notre conception des traces du passé. Les images se donnent à voir comme une conception contemporaine pour laquelle, représenter, consiste à porter en présence un objet absent, en tentant de maîtriser sa perte.

ONDE VISUELLE

En ce qui concerne la sculpture, l’émotion ne vient pas de l’affrontement soudain avec l’œuvre que l’on reçoit d’un coup. Il faut parfois quelque temps pour s’y accoutumer et pour générer une onde visuelle. Lorsque tous ces éléments sont en place, alors l’œuvre ne découvre dans sa vraie dimension esthétique.

ORGANES AUDITIFS

Les millions d’années ont façonné nos organes auditifs ont façonnés  pour être un système d’alarme permanent qui nous dit immédiatement ce qui se passe. Les sons éveillent ou réveillent à chaque instant notre système d’alarme biologique. Le cerveau nous indique si un événement nous menace, nous conforte, nous intéresse, nous concerne. 

PASSION

Il ne faut pas rêver la passion, il faut la vivre, quand elle est là, et ne pas lui demander de durer, ne pas lui demander de suffire, ne pas lui demander de remplir ou de guider une existence. 

PAYSAGE

Le paysage est une succession, de traits qui pousse le dessinateur à exploiter ou accentuer, plutôt qu’à corriger les accidents du site. Les reliefs deviennent ainsi des belvédères, les escarpements des grottes. Les étendues sont travaillées en miniaturisation. Elles deviennent totalement symboliques de l'espace naturel que le dessinateur a devant lui.

PAYSAGE

À l’heure des environnements pollués, délabrés et désolés, la quête de panoramas et de « beaux paysages » trouvent un renouveau pictural. Ne faut-il pas rappeler que le paysage a d’abord été pictural avant d’être réel ? En effet, paysage, est un « morceau de pays », nom donné à la nature idéalisée représentée au XVI e siècle. Les paysages rêvés et paysages réels sont constitués d’une terre ou mer, d’une ligne d’horizon et sont magnifiés à travers l’art du cadrage, de la composition, par le jeu des couleurs. Peindre le paysage, ce sont des sensations, des formes, des lumières, des matières. 

Il s’agit pour certains peintres, comme Nicolas de Staël, de retrouver les sensations, en simplifiant les formes par des aplats de couleurs, et de se défaire de la représentation en réinventant des formes liées à matière. 

Est-ce l’éveil de la conscience du paysage, que la peinture de paysage, genre qualifié de désuet, s’ouvre à un nouveau regard ? Peindre le paysage c’est aussi peindre la peinture elle-même, dans son épaisseur.

PEAU

La peinture est une peau qui se projette aux yeux du regardeur pour tenter de l’envelopper. L’émoi qui en résulte, révèle discrètement un signifiant, qui le libère, l’alimente, le ramifie. Il s’agit de faire durer le plus longtemps possible l’instant de cette relation avec le regardeur.

L’image capte les conflits intérieurs, les passions qui y brûlent, les douleurs qui affleurent. L’image déroule le fil du destin et nous interroge aussi sur le nôtre. Dans le cadre est inscrit le parcours d’une vie, le tracé d’un chemin, le déroulement d’une histoire. 

PÉCHÉ D’ORGUEIL

On a souvent reproché à Picasso d’avoir commis un péché d’orgueil pour avoir dit « Je ne cherche pas, je trouve ». Même si certains peintres cherchent longtemps leur voie, il faut bien, à un certain stade de leur travail, qu’ils se regardent de l’intérieur. Sans cette illumination, ils prennent le risque d’appliquer des « recettes » et de ne jamais « trouver » ce qu’ils cherchent.

PEINDRE

Peindre est une éternelle approximation du visuel, un accommodement, car il y a la main qui construit l’œuvre. Peindre est une interprétation permanente et délicate. Le tableau naît de la main qui trace la couleur sur le support. De l’imprécision et de la maladresse du geste surgit une surface couverte de couleurs, de traits, de grattages, de repentirs. Un léger tremblement, un décalage ou un accident ouvrent parfois une autre possibilité au résultat final.

PEINTURE

Le peintre dépose de la matière, recouvre sans cesse, et la forme nait à partir d’autres formes qu’elle efface définitivement. La peinture serait plus proche du modelage, et la sculpture de la gravure, qui procède aussi par soustraction. 

PENSÉE

La pensée est un exercice pénible, exigeant, dont les résultats ne sont pas garantis. Le confort du préjugé est plus attractif que l’inconfort du jugement. Lestés par la paresse et pressés par l’efficience, le jugement va au plus simple et au plus clair, tout comme en matière morale, juridique, politique, esthétique.

PENSÉE ASSOCIÉE

La poésie est forte quand elle traite d’une pensée associée au rêve. La sculpture est puissante quand elle creuse un sillon profond au sein du dispositif de la forme et de l’espace.

PERTINENT ESSENTIEL

Qu’est-ce qui est important, qu’est-ce qui ne l’est pas ? Est-ce que les œuvres élaborées sont pertinentes ? Sont-elles d’une structure solide ? Par le choix du sujet, le traitement visuel, le cadrage, les contrastes ? Mais pour un artiste comme pour un conservateur ou un collectionneur qu’est-ce que l’essentiel ? C’est une question bien relative dont chacun possède une tentative de réponse.

PÉTRIFICATION

Le travail photographique propose une réflexion sur la pétrification, la trace et l’empreinte. Celles-ci sont articulées sur le rapport entre le corps, la peinture, la sculpture et le support photographique. Apparition du corps dans sa forme la plus exaspérée, à la position limite entre la mort et la jouissance. L’alternance positif-négatif symbolise de façon évidente les oppositions : vie-mort, désir-répulsion, masculin-féminin. 

PHOTO

Idein ou théorein, verbes grecs signifiant « voir », mais aussi « observer », « considérer », « réfléchir », « penser », « théoriser », « savoir », sont ici des exemples de l’origine commune de la vision du photographe.

PHOTOGRAPHE

Le photographe est comme un explorateur, un mineur qui pioche une paroi qui est sur le point de s'effondrer. Ce n'est plus la lumière du jour qu’il aperçoit, mais la présence d’un gouffre sombre. Le désir de construire une œuvre, procure un élan qui le jette en avant, qui le bouscule : il se lance alors dans la découverte d’une image nouvelle.

PHOTOGRAPHE

Le photographe veut saisir avec précision les courbes sensuelles. En passant par le reflet du miroir, l’image perd de sa brutalité, elle est inversée et devient complice du photographe. Ce corps n’est-il pas un paysage où le regard peut se promener, glisser, plonger, et même se noyer ?

PHOTOGRAPHIE

La « photographie c’est « écrire » de la lumière. Le préfixe « photo- » (φωτoς, photos : lumière, clarté), « qui procède de la lumière », « qui utilise la lumière ». Le suffixe « -graphie » (γραφειν, graphein : peindre, dessiner, écrire), « qui écrit », « qui aboutit à une image ».

PHOTOGRAPHIE

La photographie est propice aux jeux nocturnes du proche et du lointain, à l'apparition et à la disparition. Les corps deviennent le lieu d’une absence, d’un manque. Le buste est présent, large et solide, posé sur une assise stable. Les seins aplatis de la dormeuse, renforcent sa carrure. Le buste s’impose comme une force sous la peinture noire. 

PHOTOGRAPHIER

La photo comporte la marque de ce qui a été, de ce que l’on garde en souvenir, bribes d’histoire que l’on veut conserver. Elle permet aussi de vérifier une apparence, un présent posthume. Elle est en quelque sorte l’empreinte d’un fragment du monde. 

Le sens que l’on donne aux images est le résultat d’une méditation sur la vie - la sienne et celle des autres. La photo est la confrontation esthétique et culturel, d’une séquence, d’une tranche de vie. Lorsqu’on ouvre un tiroir ou un album, la photographie nous rappelle la présence de moments vécus : avec quelques objets familiers, elle est le témoignage de ce qui reste de la vie. 

PHOTOGRAPHIES

Les photographies sont peuplées de matière et d’autres d'ombres. Les ombres sont lourdes et s’opposent à la lumière. La forme du corps se détache de son espace pictural, de l’espace temps et de la lumière. Le regard glisse alors sur la brillance du corps photographique. 

La démarche est l’exploration d’une veine photographique, non comme expression héroïque, mais comme vestige ou empreinte. Les corps sont moulés dans du plâtre puis photographiés.

PIGMENTS

Les pigments minéraux : vert de cuivre, ocre jaune, jaune d’orpiment, blanc de plomb, bleu lapis-lazuli, hématite, oxyde de fer (rouge) et les colorants végétaux, pastel (bleu), garance (rouge ou rose), graines de gaude (jaune), cochenille (rouge), graines de tournesol (pourpre), indigo (bleu). Les extractions sollicitent différentes opérations, chauffage, macération, décantation, décoction, distillation, précipitation, filtrage, lavage, séchage…

PLAIRE

Un auteur, un artiste qui cherche à plaire, à conquérir un public le plus large possible en trouvant le plus petit dénominateur commun des goûts, risque de perdre en intensité ce qu’il veut gagner en extension. C’est la position contradictoire et difficile à tenir de tout artiste.

PLÉNITUDE DES FORMES

La plénitude des formes sont inscrites dans la matière et s’unissent à l’œuvre avec une cohérence entre la matière et la forme. Ainsi, celle-ci donne sens à l’espace dans lequel elle est insérée, impose ses dimensions et sa matérialité. 

POLLEN

Pollen et chlorophylle sont des couleurs végétales, jaunes, vertes, des matières colorées vives. Accompagnés de lumière, elles sont d’une perception visuelle remarquable. 

Le pollen (du grec πάλη (palè), farine ou poussière) est constituée de grains microscopiques libérés par les anthères de plantes. Le pollen est un champ de couleur pure, lumineuse, sans additif, sans liant, sans médium, un poudroiement volatile, une vapeur, une buée colorée qui se répand de manière aérienne, une dispersion dans l’espace. C’est une couleur lumière : l’extrême finesse des grains de pollen participe à sa luminosité. 

À la différence de la chlorophylle, les grains de pollen ont une fantastique solidité. L’exine, enveloppe extérieure constituée de pollénine jaune est très résistante aux ultraviolets. Elle se fossilise avec le temps et devient inaltérable. Contrairement à la tradition picturale, le pollen n’est pas lié à un médium et se vaporise dans l’espace. Sans lumière, pas de couleur. C’est son mode d’existence optique. Jusqu’à la moitié du XIXème siècle, les colorants utilisés en peinture, étaient d’origine naturelle, liés au monde minéral, animal ou végétal. 

POMPÉI

Pompéi, cité prospère est plongée sous un linceul de cendres, le 24 août de l'an 79. La coulée pyroplastique envahit la ville en quelques instants. Les victimes gardent leur apparence dans une prise d'empreinte naturelle, figés pour l’éternité. Dans la villa de Diomède, dix-huit femmes et enfants, ainsi que deux hommes ont été figés par l'arrivée brutale des cendres.

On dirait le tombeau d’un peuple tout entier

Où la mémoire, errant après des jours sans nombre,

Dans la nuit du passé viendrait chercher une ombre 

A. de Lamartine, « La liberté, ou une nuit à Rome »

POSITIF ET NÉGATIF

Les notions de présence et d’absence, de positif et de négatif, de masculin et de féminin s’opposent et se complètent dans chacune des images. La confrontation du corps et de l’espace blanc élabore un motif récurrent à chaque proposition. La couleur provoque un effet dynamique qui s’oppose au statisme suggéré par le négatif photographique, posé à l’intérieur de son espace délimité. Dans certaines œuvres, on perçoit l’empreinte directe d’un corps sur le fond blanc. Après la trace du geste puis celle de l’empreinte photographique, voici l’empreinte d’un corps humain qui a été là.

POSITIF ET NÉGATIF

L’image se construit grâce à des repentirs, des suppressions, des ajouts, par l’intégration d’un noir, d’un blanc, d’un gris, de toute une gamme de dégradés où les notions de dualité, de couple, de présence et d’absence, de positif et de négatif, de masculin et de féminin s’opposent et deviennent complémentaires. Comme l'existence elle-même, le cliché photographique est le produit des circonstances. Même en maîtrisant toutes les conditions de la prise de vue, celle-ci n'enregistrera jamais que l’instant présent : on photographie tout au plus des anecdotes inventées par la lumière.

PRISE DE VUE

L'image « fixe » a le pouvoir paradoxal de saisir le passage du temps encore mieux qu'elle ne décrit l'espace. Ce que le photographe cherche à organiser dans un équilibre stable, l’image photographique disparait dans une sorte d’évanouissement temporel. L'oeil nous enseigne que nous sommes mobiles, que l'espace est à la fois la condition et l'effet de nos déplacements. La photographie et la peinture nous offrent le spectacle de l'espace, non l'espace lui-même. Les distances y sont posées définitivement. Tous les parcours y sont déjà inscrits. La prise de vue annonce le mystère de l’instant et répond au saisissement du photographe. La tension du désir est immobilisée, par l'objectif. La distance, un instant effacée, se rétablit, dans le déclenchement même de l’obturateur. La distance de « mise au point » rend possible l’image comme représentation d'une étreinte suspendue. 

PRIX DES ŒUVRES

La question du prix des œuvres est très subjectif, car il est à la fois le résultat d’une valeur et d’une originalité artistique, qui est fonction d’un travail fourni, d’un savoir faire, d’un aboutissement, de la qualité du matériau, de la finition, de la taille et du poids de l’œuvre. Le prix est aussi fonction de la reconnaissance potentielle des « regardeurs », des critiques et des collectionneurs. Le prix qu’un artiste donne à ses œuvres est aussi une auto-évaluation, la valeur proportionnelle de son estime, elle-même le reflet du regard qu’il se porte.

PROPORTIONS DU CORPS

En sculpture, les Grecs inventèrent au Vè siècle avant JC, le « canon » : le canon de Polyclète dont les proportions du corps devaient correspondre à sept fois la hauteur de la tête. Cette convention stylistique avait pour but d’idéaliser le corps humain. C’est ainsi que la mythologie grecque montre la mise en scène du nu sans pudibonderie : Apollon, Ariane, Persée, Andromède, Diane et Actéon ou Mars et Vénus. 

PROVOCATION

Un tas de charbon peut-il être une « œuvre d’art » ? 

La progression de l’avant-garde du 21e siècle, fait table rase des créations du passé, décline les valeurs de changement, de régression, ou de provocation évidente comme le tas de charbon de Bernar Venet. 

D’après un certain nombre de critiques, il s’agit d’une œuvre qui interroge le statut de l’œuvre d’art. « Montrer un tas », c’est monter un objet sans forme, ni dimensions spécifiques, une forme de contestation de l’ordre imposé. Le désordre des boulets de charbon entre en collision avec l’ordre, renvoyant son formalisme en opposition frontale à l’état de matière.

C’est en créant un événement qu’on gagne sa minute de célébrité. Peu importe les artifices auxquels on a recours et même s’ils reviennent à « vendre du vent » !

On sait que Marcel Duchamp ne s’est jamais considéré comme un grand artiste : « Je leur ai jeté l’urinoir à la tête et voici qu’ils en admirent la beauté », disait-il. Pour lui, ses ready made étaient des provocations anti-artistiques. Rien d’étonnant si une partie des objets en question furent jetés à la poubelle par sa femme et sa sœur lors d’un déménagement. 

QUALITÉ SUBJECTIVE

Un compositeur, un architecte, un peintre ou un poète exprime et propose son vécu, suivant une spécificité psychologique qui est la sienne : il exprime une qualité subjective lui permettant de comprendre ce qui l’entoure. Pour trouver une idée nouvelle, il faut s’astreindre à la concentration et à la réflexion. Tout le reste viendra alors par surcroît. Comme dans certaines pratiques spirituelles, l’esprit seul est fécond, seul il joue un rôle moteur, un rôle déterminant. La main s’adapte ensuite au processus.

QUAND Y A-T-IL ART ?

On ne demande plus : « qu’est-ce que l’art ? » mais « quand y a-t-il art ? »

La philosophie interroge l’art selon deux entrées : du point de vue de sa création, elle demande si l’art dépend de règles ou d’un génie créateur. Du point de vue de sa réception, elle demande si l’œuvre d’art peut élever l’âme, la spiritualiser. 

La réflexion contemporaine bouscule cette approche traditionnelle : la laideur et le banal se donnent comme des catégories esthétiques, l’art devient un marché économique, le goût, l’objet d’études sociologiques. 

L’art ne se justifie pas : son droit à l’existence coïncide avec l’inquiétude d’une question. C’est une exploration curieuse, une curiosité rendue visible, palpable, une réinvention d’espace et de temps. C’est aussi un agencement donné en partage à qui voudra bien trébucher sur les discordances du sensible. L’art coïncide avec la mise en scène d’une curiositérendue visible, palpable. C’est la réinvention dans l’espace et le temps, un agencement donné en partage à qui voudra bien « trébucher » sur les dissonances du sensible. Le tissage sur la vision du monde, transmet, partage ce point de vue, autour d’un questionnement. 

QUESTIONNEMENT

La photographie répond au questionnement du réel par une remise en cause de l’image. La photographie analyse le réel, le met pour ainsi dire en pièces, le renvoie à son statut de phénomène, de pure apparence. La mise à jour des doubles, de leur vide, de leur absence, devient le socle de leur identité. Surgis de rien, ils sont prêts à retourner dans le néant. L'image photographique nous indique : ce fut là, ce fut ainsi et ce n'est plus… Elle décrit ce qui, par essence, a disparu. 

QUESTIONS

Les questions existentielles, qui s'installent en nous-même sont souvent naïves et toutes ces interrogations sont sans réponse évidente. Cette absence de réponse est un obstacle qui bloque la réflexion et empêche d'aller hors du quotidien, qui nous accapare par toutes sortes de taches matérielles à accomplir. La réponse se fait par un moyen détourné, en s’exprimant par la créativité afin de percevoir les limites entre existence et pensée.

REGARD

Comment, apprécier sincèrement la singularité d’une œuvre ?  Quelle valeur accorder au regard des « autres », du regardeur potentiel ? Comment accepter son jugement ? Si le regardeur est un personnage reconnu dans le monde de l’art, si son appréciation est positive, l’artiste se sentira valorisé et sa « cote » va éventuellement grimper. Si l’appréciation d’autrui est indifférente (comme dans la plupart des cas) ou négative, l’artiste aura le sentiment de construire des œuvres manquant de force ou d’originalité nécessaires pour séduire le spectateur. 

Ce qui détermine le visible, c’est le regard qui est au-dehors. C’est par le regard qu’on entre dans la lumière et c’est à partir du regard qu’on en perçoit l’effet. Le regard devient l’instrument où la lumière s’incarne.

REGARD

L’appareil photographique qui sert à la prise de vue est une boîte vernissée, de forme cubique munie d’un soufflet noir et d’un œil rond à diaphragme. Le voile noir qui recouvre l’appareil, dissimule non seulement le regard du photographe, mais aussi son visage tout entier. L’appareil saisit un regard, un instant de la vie. Il capte le regard de soi-même pour le communiquer aux autres par l’intermédiaire de l’image. Retenir et conserver dans la latence de la plaque sensible, ce que aime révéler. Ensuite c’est la révélation du négatif. De négatif l’image va se transformer en positif. Avec l’image, l’opérateur est seul, face au réel qu’il veut capter et emprisonner. La chambre est noire, puis devient claire quand elle est baignée de lumière, quand l’image pénètre à l’intérieur. Dans le noir de la chambre, s’opère le transport et le transfert des images, vision d’un monde intérieur.

RELATION PRÉCAIRE

On ne photographie que le passé, même le plus immédiat. On s'attache à débusquer la singularité secrète. Pourtant, on ne capte que la relation précaire de l'instant. Chaque photo montre quelque chose du monde. Ce peut être une planète entière ou un grain de sable. Mais la photographie ne se borne pas à enregistrer. Elle réagit avec « perplexité » au mystère de toute chose.

La photographie est liée au souvenir tout comme l’oubli est lié à la mémoire. Une image au fond d'un tiroir ou dans un album rappelle la présence d’une personne à ceux qui l’ont connue ou rencontrée. La photographie, avec quelques objets familiers est souvent le seul témoignage de ce qui reste de la vie d'un homme après sa disparition.

RELATIVITÉ DES GOÛTS

La relativité des goûts ne doit pas décourager la pensée ni le jugement, au contraire, car il est possible de comprendre ce qui, à chaque époque et dans chaque société, détermine le goût.

RÉSILIENCE

L’artiste exerce des choix, génère une résistance, une résilience par rapport aux valeurs esthétiques traditionnelles. La force artistique donne vie à de nouvelles idées, éloignées des sentiers connus et confortables. Il ne faut pas avoir peur de l’échec et la liberté permet de choisir une voie propice pour accomplir les désirs créatifs. L’art est une ascèse, mais peut être aussi un cri. Et parfois au-delà du cri, le créateur brasse l'espace comme un nageur, il affronte la surface, rythme son temps et son espace.

RÊVE

Le rêve est source d’inspiration et permet de s’échapper du monde qui nous emprisonne, comme par magie. L’artiste est habité par la pensée, le souvenir, l’imagination, la conscience, par des élans de passion, d’ambition.

RÊVERIE INTÉRIEURE

L’espace et le temps reposent sur l’axe des formes, une alternance entre le monde extérieur et la rêverie intérieure, de ce qui a été, fiction tirée de l’imaginaire. Une légère surestimation de soi est plus fonctionnelle qu’un jugement trop réaliste. Les enjeux étant rarement déterminés à l’avance, l’optimisme artistique est une illusion positive qui aide à se construire dans la pratique, à se remettre en question, permettant de jouir du présent. Espérance, optimisme et orientation vers le futur, sont des vertus qui font partie des valeurs reflétant le dépassement de soi, pour se centrer sur les aspects favorables et favoriser les capacités à rebondir. 

RISQUES

En art, la question de la prise de risques est très importante : à chaque œuvre créée se profile l’échec, un non aboutissement d’une production satisfaisante sur un sujet donné. La motivation principale de l’artiste vient d’une capacité à utiliser un savoir-faire, un désir de produire aussi bien manuellement qu’intellectuellement, d’établir un lien entre la main et l’esprit. 

L’artiste qui souhaite exposer son art doit prendre des risques nécessaires à une évolution artistique et générateurs d’innovations, d’avancées, de créations et de différenciations. Cette différenciation est liée à la perception du risque et pour s’affirmer, l’artiste fixe des choix, des stratégies, des objectifs pour créer un original qui lui ressemble. Il ne peut compter que sur son talent et sur ses ressources internes ; cela le contraint à se débarrasser du superflu et à se recentrer sur l’essentiel. L’échec est bénéfique, il enclenche aussi l’imagination. Le risque peut être aussi synonyme d’excitation. 

ROUGE-VERT

Pourquoi on ne peut pas dire qu’un objet est « rouge-vert » ? Dans la nature, on observe des dégradés de bleu (sur la mer) ou de marron (sur un tronc d’arbre), voire des passages continus du rose au bleu nuit (crépuscule). Prétendre que les couleurs sont objectives ou subjectives conduit à des contradictions insurmontables. Les couleurs sont des propriétés considérées dans leur relativité à nous-mêmes. Les couleurs ne s’expliquent que si nous réalisons à quel point nous sommes pris dans la vision de ce qui nous entoure. 

RUINE

La notion de ruine varie selon le passé, la mémoire, le vécu, la sensibilité de chacun. L’analyse d’une ruine ne se résume pas à un simple descriptif des éléments qui le composent, c’est la perception sensible qui en fait le charme. Elle se réfère à notre culture, à notre affect, contrairement à l'environnement qui est l'étude d'un milieu mesurable. 

RUINES

La ruine est un spectacle, un objet de représentation, le fragment abandonné d’un monument fragmenté. La ruine originaire signifie le vieillissement, l’usure, la décomposition anticipée, la morsure du temps dont le dessin trahit l’appréhension, pour survenir à un monument hier intact.

Après la mort des êtres, après la destruction des architectures, d’un passé, la vie continue. Les odeurs et les saveurs du souvenir, restent encore longtemps, à se rappeler, à attendre, à espérer sur la ruine.

RUINES

L'ordre des époques historiques est semblable à l'ordre des constructions. La ruine de la ville est la mémoire de la civilisation observée. Les générations qui se succèdent, détruisent les habitations anciennes, pour en construire de nouvelles. Cette disparition, cette absence fait partie de la mémoire elle-même. Le débris restant est source d'hypothèses archéologiques cherchant à reconstituer les traces du passé. Il faut interpréter, imaginer la part immense de l'absence. De là un plaisir évident quand on découvre des marques jusqu’alors, inaperçues.

RUINES

Cette dimension fantomatique de la présence, au cœur de l’esthétique romantique, semble trouver un prolongement dans les modalités de l’image photographique, dont la naissance en 1839 s’inscrit au cœur du mouvement romantique. Nouvelle forme de représentation du monde, elle met en œuvre disparition, mort et oubli et paraît épouser à la fois les critères de la mimésis romantique et son répertoire iconographique, le motif de la ruine étant très présent dans les photographies, notamment à cause des exigences techniques du dispositif, qui impose à ses débuts des temps de pose très longs.

RUINES

Cette distinction, entre des objets désignés par le même terme, mais possédant des natures différentes, contribue à l’autonomisation de la ruine comme thème dans la peinture romantique, où elle devient un élément iconographique essentiel dans les tableaux d’Hubert Robert, de Panini, ou encore de Le Lorrain. 

RUINES

Distinguée de son existence réelle, la ruine entre comme motif dans le champ de la représentation picturale et littéraire, pour y tenir une place spécifique. Réduction, par l’effet du temps, d’une structure originaire dont il ne reste que quelques traces, la ruine architecturale constitue peu à peu le trait qui caractérise l’esthétique romantique. 

RUINES

L’ombre des disparus hante les lieux, mais également l’existence. Les lieux accueillent les ombres mais ne sont plus les seuls ; l’existence des personnages elle-même tend à devenir une surface sur laquelle se projette la mémoire des disparus. L’immobilité des corps et la suspension du temps deviennent les conditions de la résurgence du passé. Les personnages tentent de réduire leur mouvement : bouger le moins possible, le plus lentement possible, étendre le corps à même le sol pour y rester des heures entières afin que le temps, suspendu au corps, donne l’illusion de s’arrêter pour un moment.

RUINES

La mémoire est tissée de toute part par le processus de l’oubli. Il ne s’agit pas de « renouer » avec le passé ou avec ce qui a disparu, mais de prendre la mesure de l’absence.

RUINES

Le passé resurgit dans le présent à travers le souvenir. L'inscription du temps par la trace ou par la présence du fragment, est présente sous forme de signes cachés, dans la topographie de la cité, ou dans le souvenir du vécu. Les ruines oblitèrent et masquent les époques les unes aux autres : elles se recouvrent et disparaissent.

RUINES

L’élaboration du trait sur la feuille est identique à la fouille archéologique. Le trait participe à l’exhumation d’un lieu recouvert d’autant de strates qu’il est ancien, qui n’est donné que partiellement, en grain de matière.

RYTHME

Le son du train en mouvement devient un rythme unique : tam-tam. Les sons ont perdu leur valeur fonctionnelle, ils sont entendus pour eux-mêmes. Avec le rythme ils acquièrent une valeur musicale. L’univers sonore se suffit à lui-même. 

RYTHME

La durée (le rythme) permet de jouer avec le temps et engage souvent le corps (danse, jazz, berceuse,…). Une musique est une représentation d’un monde imaginaire d’évènements purs (on peut lire de la musique, sans aucune production de sons) qui semblent reliés les uns aux autres de plusieurs façons par une causalité évènementielle plus ou moins déterministe, selon la complexité du discours. 

SACRÉE

Le goût découle de la dimension sacrée dont l’art a toujours été porteur jusqu’à une période récente car l’histoire de l’art est principalement l’histoire de l’art religieux. L’art revêt encore un caractère sacré et transcendant : nos musées sont des églises laïques. Est sacré ce qui a rapport à l’idéal d’une société. Ce que l’on nomme « beau » est ce qui nous élève à une dimension sacrée, idéale.

La sculpture semble avoir été inventée pour créer des idoles, des statues funéraires, des images symboliques de Dieu ou des saints, pour flatter la vanité du pouvoir. Elle permet aussi, dans son unité, de transgresser la contingence et la mort. 

SAPHO

La poétesse grecque Sapho, de Lesbos est une figure emblématique de la poésie et de la création artistique. La légende rapporte que la poétesse grecque Sapho amoureuse du beau Phaon et repoussée par lui, se précipita par dépit du haut du rocher de Leucade. Mais la belle Sapho, à la longue chevelure brune, a-t-elle encore vraiment l'intention de se suicider par amour ?

SCÉNIQUE

L’espace scénique de l’œuvre est donc bien un matériau à travailler, à identifier d’abord, pour que l’exposition ait lieu. C’est bien à cette condition que la scénographie peut advenir dans le champ d’une nouvelle forme de créativité plastique et de mise en œuvre. Non pas comme œuvre au sens strict de sa définition, mais comme « forme artistique ». 

SCULPTER

Le sculpteur ne reproduit pas au sens imitatif, il produit. Le sculpteur traduit la vie ressentie de l’intérieur, son ressenti et l’objet du désir de créativité. Le jeu de la matière prend forme puis se métamorphose entre l’imaginaire et le souffle de la vie : la matière inerte devient expression de l’invisible. 

Le sculpteur évoque la vie : il est capable de donner forme, de manifester des désirs sensuels, d’exprimer la vie universelle en travaillant des matériaux dont la texture sera au service de l’expression. Lorsqu’il crée des figures, le sculpteur fait une fusion entre l’intime et les formes qu’il élabore. Il vit l’incarnation. Son travail exige une dépense de forcephysique, une habileté de la main, une connaissance intime des matériaux qui lui résistent ou lui obéissent.

SCULPTER

La sculpture se situe dans l’espace réel et reste soumise aux lois de la pesanteur. Elle est mesurable et s’offre au spectateur selon une variété indéfinie de points de vue. Les valeursqu’elle exprime ne peuvent l’être que par cet aspect matériel, qui est à la fois affirmé et transgressé à travers l’inertie, la masse, le poids, les dimensions. 

La sculpture consiste à concevoir et réaliser des formes en volume ou en relief par divers moyens comme la taille directe, la soudure, l’assemblage, le collage. Elle se réalise traditionnellement avec de la pierre, mais aussi avec le bois, le métal, le verre, ou la glace pour des sculptures très éphémères.

La sculpture provoque des tensions où elle manifeste la valeur de la forme. Elle rend compte du mode d’existence et sert à révéler aux yeux des hommes les liens entre la réalité, telle qu’elle est, entre le corporel et l’esprit. Il y a un nombre illimité de formes et de rythmes qui permettent d’enrichir l’expérience, l’observation, de saisir la curiosité et la fraîcheur de l’instant.

SCULPTURE

Sous l’action de l’outil, le bois dégage des odeurs inattendues : le chêne génère une odeur de pain en cuisson, le cèdre, une odeur de térébenthine, le buis, une odeur de pâte cuite. Nous ne sommes plus dans un atelier mais dans une cuisine !

SCULPTURE

En sculpture, la main façonne et pétrit, caresse la forme, le doigt effleure la matière. La forme surgit dans une gamme de percussions : frapper, forer, fouir, gratter, percer, ajuster. Si la frappe paraît déterminer la technicité, elle convoque la mémoire qui consiste à saisir et à atteindre par le geste. Pas de préhension sans répétition, pas de façon sans manipulation. Percussion et préhension vont ensemble, l’une accompagnant l’autre. Le moment de pose et de dépose implique de prendre pour transformer, et transposer afin d’aboutir à une forme qui convienne au sculpteur.

SENSIBILITÉ

La musique est destinée à toucher la sensibilité et les émotions du grand public. La musique est un art et une activité culturelle consistant à arranger et à ordonner sons et silences au cours du temps : le rythme est le support de cette combinaison dans le temps, la hauteur et la fréquence.

SENSIBLE

Comment passer du sensible à l’intelligible ? Penser l’art, c’est se trouver comme un étranger dans une entité connue sous le nom de réalité. La réalité ne tient pas en place et se déplace. Il faut la saisir au bon instant.

Le sentiment du beau est un sentiment d’élévation, de verticalité, de transcendance. Une personne dépourvue de tout idéal serait peu apte à éprouver le beau et le bien. Inversement, la sensibilité esthétique puise dans la source de l’affectif.

SENTIMENT DU BEAU

Le sentiment du beau est relatif, et il n’existe pas de norme esthétique absolue. La rigueur devrait nous faire dire simplement : « j’ai le sentiment du beau à la vue de telle chose, à l’ouïe de telle musique, mon rapport à tel objet suscite en moi, tel sentiment ». Dans ce cas, il ne s’agit pas d’analyse poussée, mais seulement de commentaires sur un ressenti, renvoyé à l’intimité. Personne n’a tort, personne n’a raison, et dans ce cas il n’y a pas de bon, ni de mauvais goût. 

Le relativisme est une posture critique éclairante, qui ne saurait toutefois nous dispenser de juger, de trancher, de hiérarchiser. Le sentiment du beau est suscité par la représentation d’un idéal, à l’occasion de la contemplation d’un paysage singulier ou d’une œuvre d’art. L’idéal transporte l’individu au-dessus de lui-même, et l’enjoint de s’élever. Une œuvre qui rend impossible ce mouvement ne peut susciter le sentiment du beau.

SILHOUETTE

Le goût artistique à l’époque de Byzance était favorable à la silhouette de femmes rétrécies et aplaties, vision bien différente des formes vigoureuses des déesses de la Grèce antique. A une autre époque, avec l'art gravettien des chasseurs-cueilleurs trouvaient dans les ébauches de formes humaines, une représentation symbolique de la beauté. La Vénus de Renancourt est un type de beauté aussi pure que pourrait l’être, la Vénus de Médicis ou l’Apollon du Belvédère.

SILHOUETTE IMPRIMÉE

Signe de la disparition, l’ombre peut dans certains cas mettre à nu la destruction qui l’origine. C’est le cas avec la photographie, à Hiroshima, d’un homme soufflé par la bombe atomique et dont la silhouette a été imprimée sur un mur par son flash. Sur cette image figure également une échelle blanche, posée contre le mur où s’est imprimée la silhouette. Il existe une autre image, quasi identique, référencée à Nagasaki, où l’échelle réelle a cette fois-ci disparu et n’existe plus que sous la forme d’une ombre imprimée, tout comme la silhouette humaine. Le flash de la bombe qui brisa le cours de la vie de cet homme, a dans le même temps créé sur le mur l’image qui nous le fait apparaître du plus loin de son absence.

SIMPLICITÉ

Comment est la réalisation, la façon dont les idées sont incarnées dans une forme perceptible ? Une belle idée peut être desservie par une réalisation médiocre, ou l’inverse. Les critères classiques de simplicité et de dépouillement sont de bons guides. La fiction pour la fiction et l’ornement pour l’ornement , en littérature comme en peinture ou en musique sont à éviter.

SOCLE

Au fil de l’évolution de la sculpture, le socle a été remis en cause par Rodin au 19e siècle. Puis il va prendre une part de plus en plus importante jusqu’à s’intégrer à la sculpture. Le socle est une assise qui assure la stabilité de certaines pièces filiformes. Dans d’autres œuvres, l’espace et la sculpture forment un tout et le socle devient partie intégrante de l’oeuvre. 

Le socle, intermédiaire entre l’objet et le sol, a pour fonction première de mettre en valeur la sculpture. Comparable au cadre pour la peinture, la présence du socle souligne, met en valeur, met à distance, isolant la sculpture de son environnement. L’espace esthétique n’est plus limité aux frontières du cadre du tableau ou au socle de la sculpture.

SOLITUDE

Faut-il se mettre dans un «état » particulier avant de sculpter ? La solitude est nécessaire. Cette solitude favorise la concentration qui guide la main et l’outil. Le sculpteur vit la matière de l’intérieur et sa rêverie est une composante essentielle de la forme à laquelle il donne du sens. Il s’attache à l’objet, pénètre la matière, puis se plonge dans le geste créatif. La sculpture se vit comme un rêve d’éternité, en affinité avec l’espace.

SON ET ÉVÉNEMENT

Il faut que quelque chose se passe pour qu’il y ait son. Dès qu’il y a événement, c’est-à-dire changement, ou mouvement d’un corps physique, il y a vibration de l’air (ou d’un fluide) et donc production de son. Il y a un lien essentiel entre son et événement alors qu’il n’y a qu’un lien indirect entre son et objet. 

SONORE

Dans tout événement sonore, on peut distinguer l’événement lui-même, il advient, « tam », et par sa qualité, il est grave ou aigu. Les deux aspects ont sur nous des effets distincts : plutôt physiques dans un cas, des effets « motionnels », plutôt spirituels et dans l’autre, des effets émotionnels.

SONS

De cette définition banale, « la musique est l’art des sons », ce livre tire toutes les conséquences jusqu’aux plus éloignées. Chemin faisant, il répond aux questions que nous nous posons sur la musique et sur les arts. 

Qu’est-ce qu’un son ? Le son est trop concret, trop sensible, trop empirique, trop vulgaire. En revanche, quoi de mieux que l’« art » et qu’une interrogation sur l’art ? Art se prend d’abord au sens large, la technique, le savoir-faire, ou au sens étroit de « beaux-arts » : l’architecture, la sculpture, la peinture, la musique, la poésie, la danse, le cinéma.

STÈLE

Les Grecs du 5e siècle av. JC. ont sculpté la stèle avec une certaine vision de la mort liée à leur propre histoire, différente de la vision actuelle. Il y a dans la stèle un mode de représentation psychologique du double, une élaboration de l'imaginaire comme le fait la photographie lorsqu'elle rappelle le souvenir. 

STÉNOPÉ 

Un fin opercule est placé sur un des côté d’une boîte en carton étanche à la lumière. Par cet opercule la lumière balaie le papier sensible placé en arc de cercle au fond de la boîte. La lumière devient un minuscule faisceau qui imprègne le papier sensible. Après une pose de plusieurs minutes, ce dernier est trempé dans le révélateur, révélant une image en négatif.

STUDIUM

Le studium

C’est par le studium que je m’intéresse à beaucoup de photographies, soit que je les reçoive comme des témoignages politiques, soit que je les goûte comme de bons tableaux historiques. Car c’est culturellement que je participe aux figures, aux mines, aux gestes, aux décors, aux actions.

Le punctum

Le second élément vient casser, déranger le « studium ». C’est lui qui part de la scène comme une flèche, et vient me percer. Un mot existe en latin pour désigner cette blessure, cette piqûre, cette marque faite par un instrument pointu. Le « punctum », c’est la piqûre, petit trou, petite tache, petite coupure – et aussi coup de dés. Le punctum d’une photo, c’est ce hasard qui, en elle, me point, mais aussi me meurtrit, me poigne. Ce mot m’irait d’autant mieux qu’il renvoie aussi à l’idée de ponctuation et que les photos sont en effet comme ponctuées, parfois même mouchetées, de ces points sensibles. Précisément, ces marques, ces blessures sont des points.

Barthes Roland, La chambre claire. Note sur la photographie, Gallimard-Le Seuil, 1980.

SUBLIME

L’idéal élève et écrase, comme on le voit dans le sublime, qui peut être considéré comme une dramatisation et une hypertrophie du beau. On ne peut admirer un sommet inaccessible, en effet, sans se sentir tout petit, par contraste. L’infini du ciel étoilé grandit l’âme et l’humilie à la même mesure. On se sent minuscule, fragile et vulnérable ; mais en même temps, ce spectacle effrayant révèle en creux l’indépassable subjectivité.

SUBLIME

Le sublime c’est la description d’un violent orage, une scène aux enfers, des ombrages solitaires dans un bois sacré dégageant une satisfaction mêlée de crainte. Le sublime émeut. Le beau est une prairie parsemée de fleurs avec des ruisseaux et des prairies, des lits de fleurs, des arbres taillés en figure : ils procurent un sentiment de plaisir.

La beauté dans sa forme la plus haute, que l’on peut aussi bien nommer sublimité, nous saisit face à l’immense nature, qui nous écrase et nous élève, que l’on embrasse de notre regard, que l’on contient, et qui nous contient pourtant. Ce paradoxe de puissance et d’impuissance, de liberté et de finitude, définit la forme la plus pure du sentiment du beau, parce qu’il manifeste au plus haut point, la vérité de l’existence humaine.

La nuit est sublime, le jour est beau. Le sublime est un plaisir qui ne se produit qu’indirectement car il est excité par le sentiment d’un arrêt momentané. Il apparaît comme une émotion, il est de l’ordre de l’éphémère. Le sublime n’est pas dans la nature mais dans l’esprit. Face au sublime le spectateur est écrasé. La nature évoque surtout le sublime par le spectacle du chaos, des désordres les plus sauvages et de la dévastation, pourvu qu’elle y manifeste de la grandeur et de la puissance. 

Des rochers surplombants et menaçants, un volcan en éruption, la tempête sur l’océan, élèvent en nous le sentiment de sublime parce qu’ils placent les forces de l’âme au-dessus de l'ordinaire. Ainsi la nature n’est pas jugée sublime en tant qu’elle est terrible, mais lorsqu’elle réveille une force en nous-mêmes. La nature est sublime par l’imagination qui l’élève jusqu’à en faire la représentation. La nuit est sublime, le jour est beau. Le sublime est un plaisir qui ne se produit qu’indirectement : il est excité par le sentiment d’un arrêt momentané. Il apparaît comme une émotion, il est de l’ordre de l’éphémère. Le sublime n’est pas dans la nature mais dans l’esprit. Face au sublime le spectateur semble écrasé. La peinture de grand format, comme « le radeau de la méduse » de Théodore Géricault, évoque le sublime par le spectacle du chaos, des désordres les plus sauvages et de la dévastation. Le regard est déplacé de l’œuvre vers la scène du tableau.

SUPPORT DE PLÂTRE

Le corps s’imprime sur un support de plâtre : c’est le rétablissement de la mémoire. Autour de l’axe médian voici la figure mouvante et stable : elle s’échange avec elle-même. Par l'intermédiaire de son empreinte le corps se réincarne dans la liberté : il se compose dans ses multiples facettes. Le corps-modèle, moulé en « négatif », est le prolongement de l’être : comme Méduse, il attire et inquiète. Il attire par la sensualité qu’il présente, il inquiète par l’absence qu’il représente.

SURVIVANCES

Evoquer les traces, c’est se référer à ce qui subsiste d’un passé. Ces survivances, ces vestiges, ces ruines, peuvent témoigner d’un climat, d’un événement, d’une filiation, d’une activité humaine, d’une culture. Les photographies matérialisent ce qui a disparu, donnent une valeur au paysage, permettent de se le représenter, de l’étudier, de se souvenir, de commémorer une transformation.

TÂTONNEMENT

Le dessin est un tâtonnement sans repère qui précède son créateur, et qui avance avec lui dans la nuit. Le tracé est le vécu des connotations qui y adhèrent. La subjectivité exerce son action, et le dessinateur joue avec des interactions intimement enchevêtrées, pour cerner le dessin avec humilité, avec la patience du guetteur et la précision du chirurgien. 

TEMPORALITÉ

Par son dispositif, la photographie renvoie à une temporalité suspendue, qui n’est pas sans évoquer celle de la ruine. Mais le rapport de la photographie au temps est pertinent : le temps de l’image est immobile, il ne s’écoule plus. Sans fin, la photographie dit : « il a été et ne sera plus jamais ».

La photographie est en partie une illusion : fausse au niveau de la perception, vraie au niveau du temps. Une hallucination tempérée, modeste, partagée. D’un côté, elle n’est pas là, et de l’autre, elle a bien été. C’est en quelque sorte une image ambiguë, frottée de réel. L’image photographique est censée saisir « une certaine objectivité du réel ». Vérité et illusion sont en opposition étroite. La photographie fait surgir l'émerveillement et ajoute à l'illusion une autre illusion : celui du merveilleux. 

TENSION DE L’ÉCOUTE

Tension de l’écoute, à laquelle succède la détente du retour au calme, à la régularité – ou au silence. Cette opposition de la tension face aux événements inattendus et de la détente face aux événements attendus ou familiers est au fondement de toute émotion musicale. À une différence près, essentielle. Quand on entend de la musique, on cesse d’entendre chaque son comme causé par sa cause naturelle (comme lorsqu’on est soudain averti d’un événement), on entend un unique processus sonore, comme si les sons étaient causés les uns par les autres.

THYMOS

L’hégémonie d’une culture, de son idéologie, de son expansion, sont étroitement liées à la légitimité que les peuples qui la reçoivent, lui attribuent. La force et la séduction des valeurs reposent sur le principe fondateur de la « liberté individuelle » comme facteur de réalisation de l’individu moderne, libéré du religieux qui rend aveugle, de la tradition contraignante.

L’Histoire nous enseigne aussi que toute hégémonie produit sa contestation, avec pour objet cette volonté des hommes de se sentir supérieurs aux autres et animés par le désir de reconnaissance. Platon établit une psychologie morale et politique en prenant soin de cerner un intermédiaire, le thymos, que sont la raison et le désir. Thymos est le siège mystérieux des affects, au centre des émotions. Il est difficile de traduire ce terme qui se situe entre âme et coeur. Le mot âme est chargé d’une notion religieuse évidente, et le mot coeur trop imprécis et subjectif. 

TRACE

La trace est une marque physique, matérielle, permettant de laisser une empreinte. La marque est présente dans les empreintes digitales, décrivant les crêtes et plis. La trace est ce qui nous reste. Elle peut être matérielle, une archive, un objet ou marquer un territoire, une stèle, un monument, une ruine. Elle relie la question du deuil et de l’héritage, de ce qui fut hier.

Le tracé est l’expression directe, le résultat immédiat d’un processus. Faire des traces objectivise la pensée intérieure et par là même subjectivise la vision extérieure du spectateur.  La subjectivité est la transformation du réel selon le vécu. La trace en est le symbole et l‘achèvement.

Le meilleur paradigme de la trace est la piste de chasse, le sillon dans le sable, le sillage dans la mer, l’amour du pas pour son empreinte, les restes de ce qui fut.

Tracer signifie « représenter au moyen de lignes, ce qui revient à « marquer le contour de quelque chose ». C’est ébaucher, esquisser, en « traçant les grandes lignes » d’un projet. Le tracé graphique, objectif, fidèle d’un vécu interne, symbolise une réalité en accord avec l’expérience. Contrairement à la compréhension cognitive, qui est transformation du monde en structures mentales, le tracé, lui, transformerait le vécu interne en structures visibles. En transformant une part de la réalité extérieure, le dessinateur transforme des contenus intérieurs : l’événement dépasse alors la simple expression. 

Le tracé du crayon est indépendant du coloris. C’est un assemblage de lignes contournées, qui expriment une figure ou bien autre chose. Le trait souple, léger ou incertain, renvoie à une force, à une direction, une pulsion, une énergie. Le trait est une action visible, résultat du geste, un va-et-vient de la main sur la surface d’inscription. 

TRACE PEINTE

On y voit des apparitions, des disparitions, des effacements, des recouvrements. La trace peinte devient le réceptacle d’une quête, le fruit d’une méditation sur la vie, sur la mémoire et sur l’identité. Elle est toujours à même de nourrir une forme de nostalgie, une méditation sur la vie.

TRACER

Le skieur qui trace les premières courbes sur une pente de neige vierge se réjouit tout autrement que sur une piste déjà balayée. L’estivant imprimera avec un plaisir semblable ses pieds nus dans le sable lisse d’une plage. L’enfant déposera avec plaisir, ses empreintes manuelles sur une paroi.

TRACES DE PINCEAUX

Le photographie des traces de pinceaux et de peinture projetée, produisent une nuit étoilée. La tache invisible énonce la matière, elle donne à lire la trace de sa pulsion et de sa force. Les traits et les traces des corps, restent visibles sous la deuxième «prise photographique » qui les enveloppe.

Cependant, le lien que la photographique entretient avec son référent possède un aspect propre. Certes, le référent est quelque chose qui a réellement existé, et qui a nécessairement disparu. L’image photographique est toujours reçue comme la trace d’un événement réel ou d’une entité réellement existante.

TRAIT, VOLUME, CONTOUR, SIGNE

Trait, volume, contour, signe : les composantes du dessin se mettent en place, pour donner du sens, de la cohérence. L’artiste dialogue avec le trait du crayon qui descend sur la feuille et se pose. C’est le prolongement du mouvement, il ne saisit rien dans l’espace, il dépose une trace d’encre sur la feuille. Le dessin est la pratique de la ligne dans la transcription d'un volume à trois dimensions.

VANITÉS

On a le sentiment que tout est vanité, fumée, vapeur, buée, haleine, souffle léger. Tout est vain, inutile et parfois absurde, même le bonheur. La conclusion, est que presque tout est bulle de savon, feu de paille, passage éphémère sauf l’expression artistique qui est un prolongement du vécu dans le temps. 

La question est de savoir comment reconstituer les traces d’une réalité à partir de données matérielles diverses, avec des photos, des vidéos, de la parole, de l’écrit, des objets. Quel est le statut de ces traces, quelles significations leur attribuer pour reconstituer le sens d’une présence, d’une absence et d’une existence ?

Mais le temps est là, énergie première, infinie, qui reconstruira lentement ce qui a été détruit, avec d’autres données, d’autres paramètres, qui redonneront d’autres formes d’arts, et le cycle recommencera.

VÉNUS

Dans un flot de liberté retrouvée et exaltée, avec un retour vers le classicisme, le nu trouve sa place dans la peinture de la Renaissance. Il devient glorieux, codifié, et emprunt d’une référence au corps. Ainsi « la Naissance de Vénus » de Sandro Botticelli est l'expression de la Vénus anadryomène (qui sort de l’eau) de la Grèce Antique. Simonetta Vespucci beauté vénitienne en fut le modèle. Afin de contourner le poids de la tradition chrétienne, la nudité du modèle est partiellement cachée par sa très longue chevelure.

VÉRITÉ

La laideur, la bassesse, et même l’horreur, sont des thèmes esthétiques inépuisables, parce qu’ils sont une dimension réelle de la vie. Ce qui fait du Requiem de Mozart un chef-d’œuvre n’est évidemment pas que la mort y soit constituée en idéal, mais plutôt que le musicien nous révèle à sa façon la vérité dramatique de notre existence. C’est le vrai qui est beau et qui rend beau.

VESTIGE

Vestige, du latin, vestigium. Ruines, vestiges, décombres.

Trace, empreinte, vestige. Signe d'une présence, trace, souvenir. Marque d’une architecture disparue. 

Trace laissée par quelqu'un ou par quelque chose.  Empreinte que laisse sur le sol le pied de l'homme ou de l'animal.

Ce qui reste d'une chose disparue ou qui a été détruite. Restes plus ou moins reconnaissables de monuments, d'une activité humaine. Vestiges d'un château, d'une ancienne abbaye; vestiges d'un mur. 

Trace mnémonique, mnésique. Empreinte laissée dans le cerveau par une information. 

Mode d'inscription des images perceptives dans le psychisme. La notion de trace mnésique apparaît comme inséparable de toute conception sous-jacente de la mémoire.

La ruine se présente comme une mémoire intentionnelle, une démonstration du temps qui passe, sur les restes d’un arc de triomphe, d’un portique, d’une pyramide, d’un temple, d’un palais. La contemplation de la ruine fait advenir un jeu entre le visible et l’invisible, domaine impalpable de l’imaginaire.

Le dessin de vestige incarne une posture sur le temps : il suppose la constitution d’un regard qui élabore une poétique visuelle de la ruine. Cet aller-retour entre la ruine et le dessinateur se construit peu à peu sur la feuille.

Les lieux représentés n’appartiennent plus au présent. Les ruines laissent apparaître les traces de l’Histoire, reflétant les ombres invisibles d’un passé silencieux. Le dessinateur tente de mettre en lumière la temporalité de la ruine, son incomplétude ainsi que son invisibilité.

VISION ARTISTIQUE

Comment partager une vision artistique ? La rencontre de l’autre, autour du matériau plastique, est un moment de partage du sensible. Elle doit faire émerger quelque chose autant chez l’artiste que chez le spectateur, pour se transformer en une mission culturelle et sociale. L’observateur ne peut ressentir le plaisir esthétique de l’œuvre qu’à la condition d’abandonner tout ce qui conditionne le monde : usage inutile, intérêt personnel, consommation excessive. Il est nécessaire de prendre le temps de s’arrêter pour apprécier.

La rencontre, le partage de la pratique artistique, implique une installation et une scénographie autour de l’œuvre. La rencontre est censée faire émerger une émotion, autant chez l’artiste que chez le spectateur. S’il a assez de force intérieure pour se remettre en cause, il ira vers de nouvelles pistes, afin de progresser.